Quand je suis né, mon père avait 40 ans et il a longtemps été inquiet de ne pas vivre assez longtemps pour m’aider à terminer mes études et me lancer dans la vie. Il pensait constamment à l’héritage qu’il me laisserait advenant son départ hâtif. Finalement, il a vécu jusqu’à l’âge de 80 ans et a connu deux de mes trois enfants. Il n’a pas choisi de leur donner un jouet comme premier cadeau. Il leur a offert chacun un compte d’épargne pour les études; il pensait déjà à l’avenir de ses petits-enfants.
Comme mon père, je me préoccupe de l’avenir de mes enfants et je pose les mêmes gestes pour eux qu’il a posé pour moi. Mais penser à leur bien-être personnel et à leur éducation n’est plus suffisant. Je me préoccupe de plus en plus de l’état dans lequel nous leur laisserons notre pays et notre planète.
L’industrie pétrolière et leurs acolytes voudraient qu’on laisse en héritage à nos enfants un vaste réseau de mines, de puits, d’oléoducs et de raffineries capables de produire, transporter, raffiner et exporter le pétrole de l’Alberta. Toutes ces infrastructures coûteraient des centaines de milliards de dollars et ne seraient utiles que si nous décidons d’exploiter pendant plusieurs décennies les mines de sables bitumineux.
Quelle folie!
Ce pétrole est trois fois plus polluant (en CO2) que le pétrole conventionnel et constitue la principale raison pour laquelle le Canada n’atteindra pas ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Les experts s’entendent sur une chose: pour éviter les pires scénarios climatiques, il faut laisser ce pétrole là où il est, sous terre.
L’Alberta, c’est loin, me direz-vous? Que pouvons-nous faire? Cette province veut tripler, dans les prochaines années, la production de pétrole issu des sables bitumineux. Son principal obstacle est que les pipelines qui permettent d’exporter ce produit toxique atteindront bientôt leur pleine capacité. Or, le projet d’oléoduc Gateway d’Enbridge fait face à une énorme opposition en Colombie-Britannique. L’option d’exporter le pétrole vers l’ouest est donc, à toutes fins pratiques, impossible. L’autre route envisagée serait vers le sud, le fameux Keystone XL de la compagnie Transcanada qui cherche à obtenir la permission du président Obama. Or, il semble de plus en plus probable que ce dernier ne donnera pas le feu vert à ce projet qui est devenu l’ennemi numéro un des puissants groupes environnementaux américains.
Il reste donc la route vers l’est. Il existe trois projets de pipelines pour desservir les sables bitumineux qui passe par le Québec: la ligne 9 d’Enbridge, «Energie est» de Transcanada et Trailbreaker de Montreal Portland Pipelines.
Si nous laissons passer ces projets, nous deviendrons complices de la destruction des sables bitumineux.
L’heure n’est pas à construire des infrastructures pour les énergies du passé. L’heure est venue de construire les infrastructures de l’avenir.
Belem, Riopel, Salvador, voici ce que je veux vous laisser en héritage: un réseau de transport en commun hyper efficace, des bâtiments chauffés à la géothermie, un réseau de bornes de rechargements pour les voitures et petits camions électriques et un réseau d’éoliennes et de panneaux solaires pour produire notre électricité.
Et vous? Que voulez-vous léguer à vos enfants?
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Informations: Les sables bitumineux aux portes du Québec