J’ai un fils de quatre ans et demi qui veut de l’attention. Chaque matin, nous marchons ensemble vers sa garderie et il fait tout en son pouvoir pour que ce moment privilégié père-fils dure le plus longtemps possible. Généralement, j’en profite aussi, mais lorsque je suis en retard, je deviens fou à essayer de le faire marcher plus vite.
Mon fils ne partage pas l’importance que j’accorde à la ponctualité. À la limite, je peux le convaincre que c’est important, voire très important, mais pour lui, passer du temps avec son papa demeurera la priorité numéro 1.
J’ai l’impression que nous vivons la même chose collectivement sur la question du climat. Nous sommes un petit groupe à être convaincu de la gravité du problème et de l’urgence d’agir. Pour nous, la réduction des gaz à effet de serre devrait être la priorité numéro 1. À l’autre bout du spectre, il y a les climato-sceptiques qui ne veulent rien savoir. Entre les deux, il y a les tièdes pour qui le climat est important, mais pas nécessairement prioritaire.
Selon un récent sondage du groupe Canada 2020, un institut de recherche sur les politiques publiques, 35% des Canadiens sont «très préoccupés» par les changements climatiques, 8% ne le sont pas du tout et une écrasante majorité, 58%, le sont modérément ou un peu; il s’agit des «tièdes».
Si vous me lisez, vous êtes sans doute dans le 35% des «très préoccupés». Vous êtes majoritairement urbains, avez entre 25 et 60 ans, des enfants, une scolarité et un revenu plus élevés que la moyenne… Je brûle?
Peut-être que certains d’entre vous font partie des tièdes. Si c’est le cas, vous êtes quand même persuadés que le climat est un problème important et vous connaissez aussi les sources du problème: le pétrole, le gaz et le charbon. Vous habitez peut-être en banlieue, avez une, deux ou même trois véhicules devant votre maison et vous travaillez très fort pour joindre les deux bouts. Pour vous, la santé et l’économie sont plus importantes ou, du moins, aussi importantes que le climat. Autrement dit, vous voulez bien sauver la planète, mais pas au prix de perdre votre emploi ou de couper dans les soins de santé.
Le gouvernement Harper et les entreprises pétrolières vous ont ciblés. Ils jouent sur votre sens du «juste milieu» en faisant tourner ad nauseam de la publicité sur l’apport économique des sables bitumineux qui se ferait sentir jusque dans le Québec profond. Ils savent que leur seule chance de gagner ce débat public est en opposant économie et environnement même si cette juxtaposition ne tient pas la route dans les faits.
Au Québec, les exemples d’entreprises écoresponsables sont patents: Cascades et ses papiers recyclés (et usines hyper efficaces), Bombardier qui fabrique des trains et des avions 30% moins polluants, Nova Bus qui assemble des autobus et qui développe maintenant un autobus électrique, Hydro-Québec qui fournit 95% de notre électricité à partir de sources renouvelables et qui déploie maintenant un réseau de bornes pour voitures électriques. Il existe aussi de nouvelles entreprises comme RER qui fabriquera au Québec des hydroliennes (un mode de production d’électricité à très faible impact) pour exportation partout dans le monde.
Ces entreprises stimulent l’économie du Québec infiniment plus que les Enbridge, Transcanada et Suncor de ce monde.
Comme environnementalistes, nous passons beaucoup de temps à convaincre et à mobiliser les convaincus, sans doute trop de temps à se préoccuper des climato-sceptiques (qui ne changeront de toute façon jamais d’avis) et trop peu de temps à parler aux tièdes. Notre discours est même parfois hostile aux tièdes habitant la banlieue. Il faut revoir nos approches. Les citoyens tièdes sont des alliés potentiels. Il suffit de prendre le temps de leur expliquer notre point de vue. C’est ce que plusieurs groupes, comme Équiterre, tentent de faire.
Comment puis-je faire pour convaincre mon fils de marcher plus vite? Je lui propose un jeu. Il joue ainsi avec son papa tout en marchant, mine de rien, de plus en plus vite!
Il faut faire la même chose avec les tièdes: s’appliquer à leur démontrer que l’on peut arrêter de développer des industries polluantes et stimuler l’économie autant sinon plus en favorisant une économie verte.