Dès le début du 20ième siècle, Montréal a été une plaque tournante du crime organisé en Amérique du Nord. Pierre de Champlain, un ancien analyste de renseignements criminels à la Gendarmerie royale du Canada, a documenté et analysé ce visage illicite de la ville pendant quarante ans. Il décrit ce Montréal insoupçonné dans «Histoire du crime organisé à Montréal de 1900 à 1980», qui paraît mercredi aux Éditions de l’Homme.
Pourquoi Montréal était-elle un terreau fertile pour le crime organisé?
C’était un port d’entrée important, à proximité de New York où la mafia était bien établie. La mafia montréalaise a d’ailleurs développé des liens étroits avec celle de la Grosse Pomme, notamment pour le trafic de stupéfiants. Le laxisme des lois au Québec et au Canada a aussi contribué à faire de Montréal un centre d’attraction pour l’alcool, la prostitution, le jeu et la drogue.
Quel est le personnage le plus important du crime organisé montréalais entre 1900 et 1980?
Ce serait Vincent Cotroni, qui a été le parrain de la mafia montréalaise des années 50 à son décès en 1984. Il a été marquant dans l’histoire du crime organisé à Montréal et même au Canada.
Une partie de votre livre relate le Montréal corrompu où les conflits d’intérêts contaminent l’appareil politique municipal et le corps policier 1900 à 1940…
La corruption a toujours été présente à Montréal. Plusieurs enquêtes, comme l’enquête Coderre, dans les années 1920 et la commission Caron dans les années 1950, ont mis au jour la collusion entre certains officiers de police et la pègre. Par exemple, les maisons de débauche payaient les policiers pour être avertis d’avance des descentes qui seraient faites. À partir de la commission Caron, les autorités se sont réveillées et ont pris des mesures pour combattre la corruption, mais elle ne s’est pas arrêtée, elle s’est seulement moins faite au grand jour.
Quel héritage gardons-nous de cette histoire?
Le crime organisé d’aujourd’hui est très bien implanté. Les autorités en sont plus conscientes et sont mieux outillées pour y faire face, on a des lois pour empêcher son expansion, mais on ne pourra jamais y mettre fin.
Moments forts
Métro a demandé à l’auteur comment qualifier chacune des périodes du crime organisé à Montréal. Voici ses réponses :
- Années 1900 à 1940 : «C’était des juifs d’origine russe qui dirigeaient le trafic de drogue, surtout de cocaïne et de morphine, et qui avaient une mainmise sur le jeu.»
- Années 1940 : «C’est la période glorieuse de la prostitution et les autorités municipales ont sonné l’alarme sur la propagation des maladies vénériennes. En juillet 1946, l’assassinat d��Harry Davis, un grand patron des maisons de jeu, a mis fin à l’âge d’or de la mafia juive.»
- Années 1950 : «Le clan Cotroni fait son ascension au sein du crime organisé de Montréal. Il contrôle le trafic international de stupéfiants, notamment d’héroïne, en collaboration avec les trafiquants marseillais et corses avec qui il entretient des rapports très étroits.»
- Années 1960 : «À l’apogée du clan Cotroni, les autorités policière et politiques, prenant conscience de l’implantation sévère du crime organisé à Montréal et à l’international et des dangers qu’il pose pour la société, s’allient avec celles des États-Unis pour le combattre.»
- Années 1970 : «La Commission d‘enquête sur le crime organisé, créée en 1972, met au grand jour les activités de la mafia. Des règlements de compte sonnent le glas du clan Cotroni et c’est celui de Nicolo Rizzuto qui prend les commandes.»
Histoire du crime organisé à Montréal à Montréal de 1900 à 1980
Éditions de l’Homme