Environnement

Montréal réticente à utiliser ses boues usées comme engrais

Bien que plus de 50 municipalités du Québec recyclent les boues de leurs eaux usées et les utilisent comme engrais pour les terres agricoles, la Ville de Montréal refuse d’adopter cette pratique.

«Étendre des boues usées, telles quelles, sur des terres agricoles… ça me préoccupe trop. Je ne veux pas qu’on se retrouve avec un problème environnemental dans plusieurs années», déclare Richard Fontaine, directeur du service de l’épuration des eaux usées à la Ville de Montréal.

Les boues municipales, qui sont en fait composées de tout ce qui sort des toilettes, des laveuses et des lave-vaisselle, peuvent contenir des produits toxiques et des métaux lourds, avance-t-il.

«Si les boues municipales contiennent certaines traces de composés qui, concentrés, seraient toxiques, les quantités sont tellement faibles après qu’il n’y a aucun impact mesurable sur les organismes du sol», explique l’agronome Simon Naylor, vice-président de la firme Viridis Environnement.

«Je le répéterai tant qu’il le faut: je veux être prudent. Nos boues usées ne contiennent pas seulement les eaux usées des maisons, mais aussi celles des industries», rétorque Richard Fontaine.

Pourtant, même les agronomes du ministère de l’Environnement assurent qu’il n’y a pas de danger. Il existe des critères de la qualité chimique des boues «qui sont parmi les plus restrictifs en Amérique du Nord», écrit le ministère dans un échange de courriel. Québec a d’ailleurs mené des études avec l’UQAM qui montrent que, sur des fermes qui épandent des boues municipales depuis plus de 15 ans, le lait des vaches est d’excellente qualité «sans impact sur la teneur en métaux».

Cela fait 30 ans que le gou­vernement du Québec re­com­mande aux villes l’épan­da­ge des boues usées sur les terres agricoles, sauf pour les cultures destinées direc­te­ment à l’alimentation humai­ne.

Plusieurs rapports appuient cette orientation contenue dans la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles et soulignent les fai­bles risques pour la santé. «Bien que les biosolides municipaux puissent contenir une très grande variété de produits pharmaceutiques, les très faibles teneurs apparaissent insuffisantes pour représenter un risque supplémentaire pour la santé humaine», peut-on lire dans un rapport du ministère de l’Environnement de 2011.

L’épandage des boues, qui est pratiqué par la majorité des grandes villes canadiennes, augmente la productivité des plantes et remplace les engrais chimiques importés. «[Ce processus] permet de surcroît une réduction des gaz à effet de serre», ajoutent les fonctionnaires du ministère de l’Environnement.

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Solution prônée par Montréal: brûler les boues
À l’heure actuelle, les boues usées de Montréal sont asséchées et brûlées, puis les cendres sont enfouies. Pour éviter de produire uniquement une énorme pollution atmosphérique, l’incinération des boues usées est utilisée comme source d’énergie, souligne le directeur du service de l’épuration des eaux usées à la Ville de Montréal, Richard Fontaine. «Ce processus permet à la Ville d’économiser 3M$ sur la facture d’électricité annuelle de 10M$. C’est une façon de recycler ces boues, même si ce n’est pas à des fins d’engrais agricoles», fait-il valoir.

La Ville mène toutefois des projets pilotes pour tester la possibilité d’utiliser les cendres des boues comme engrais, ou encore de cuire les boues pour les intégrer à des fertilisants. «Je veux revaloriser nos boues, mais je suis très réticent à l’idée de les étendre sur nos champs sans les traiter de quelque manière avant», insiste M. Fontaine.

«C’est bien beau de vouloir utiliser les cendres comme engrais, mais elles sont dénuées d’azote, qui est un élément-clé pour nourrir les sols», soutient Michel Forest, président de Développement durable KLM. Le ministère de l’Environnement estime toutefois que les cendres «seraient probablement un bon engrais phosphaté».

M. Forest rappelle qu’à la fin du mois de janvier, la Ville de Québec a annoncé qu’elle biométhanisera ses boues municipales. La biométhanisation permet de réduire le volume de boues à épandre, tout en les «désodorisant». Ce processus produit une matière comparable au compost, appelée digestat, qui peut aussi servir d’engrais pour les terres agricoles. «Je crois que Montréal a tout intérêt à s’inspirer de cette initiative», fait-il valoir.

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