Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne orange. Station Laurier, direction Côte-Vertu.
C’est vendredi. Nous attendons sur le quai que le métro arrive et que la semaine finisse. Il est 8h15. Une fillette de six ans environ tient un lapin par le cou et commence par lui croquer les oreilles. Ensuite, elle le regarde droit dans les yeux avec un air de défi et l’étête d’un coup de dents bien affirmé. La pauvre bestiole guillotinée offre un spectacle cruel. On dirait que le lapin a mal, même s’il est en chocolat. Son corps creux attend, résigné et impuissant, ce que son triste sort lui réserve.
La petite abrège ses souffrances et l’engloutit en deux temps.
Les enfants, au cours des festivités pascales, auront reçu plus que leur dû en termes de ménageries trop sucrées. On parle de lapins qui prolifèrent, de moult canards, poules ainsi que leurs œufs respectifs qui se calculent en douzaines. Tout ça en cacao à 5% et en sucre à 200%, avec la surexcitation qui en résulte.
Les grands-parents sont toujours trop contents d’offrir à leurs petits poussins des friandises qui annoncent le printemps, sans que de nos jours cette période du calendrier soit plombée par l’austérité des rites catholiques qu’eux ont connus dans leur enfance.
Les parents, eux, en rajoutent un peu, mais pas trop, car, en prévision de Pâques, ils auront enfin jeté le sac de bonbons d’Halloween oublié sur la tablette du haut de l’étagère du garde-manger.
Retour sur le quai: la petite commence à métaboliser le plein potentiel sucré de feu lapin. Le résultat est spectaculaire. En quelques secondes, elle passe d’adorable fillette au diable de Tasmanie.
Elle saute partout, tourne sur elle-même, chante deux chansons en même temps. La mère, qui n’avait pas vu sa petite engouffrer la figurine, reconnaît tout de suite les symptômes.
«Tu n’as pas mangé ton chocolat à huit heures du matin, Charlotte!?!?!»
«Noooooon, non, non, non», de mentir la petite trop énergique, en sautillant.
La mère soupire de découragement et se promet pour une énième fois qu’à Pâques l’an prochain, interdiction de chocolat! Et comme chaque année, même si les aspects religieux de cette fête se sont fortement estompés, il s’agira d’un vœu pieux.