Projet Montréal dénonce les hausses abusives de loyers que subissent les commerçants des quartiers centraux de Montréal ayant pignon sur rue sur les grandes artères en développement.
«Dès qu’une artère devient plus courue, le loyer passe du simple au double ou même au triple, affirme Richard Ryan, conseiller du Mile-End. Sur le Plateau-Mont-Royal, c’est monnaie courante. Des dizaines de commerçants subissent des hausses excessives.»
Comme aucune règle n’entoure les loyers commerciaux, plusieurs se retrouvent à devoir payer un loyer trop cher pour leurs moyens, et doivent alors fermer boutique, s’inquiète Projet Montréal.
«Mon loyer est passé de 2100$ à 7000$ par mois», se souvient Élaine Léveillé, fondatrice d’ERA Vintage Wear, anciennement sur la rue Notre-Dame Ouest avant de fermer boutique il y a un an. Le propriétaire de l’immeuble a mis en vente la bâtisse tout juste après avoir imposé cette hausse de loyer.
«Évidemment, la valeur marchande du bâtiment est plus élevée si le loyer est de 7000$, que s’il est plus bas», fait remarquer Richard Ryan.
Les élus reconnaissent que «c’est le jeu de l’offre et de la demande», mais estiment que la Ville devrait se saisir du dossier pour assurer la vitalité et la mixité des quartiers.
«On avait de petits commerçants [dans le Sud-Ouest] qui servaient la population locale, et maintenant qu’ils se sentent menacés par les loyers, [ils quittent et] les gens moins fortunés ont moins de possibilités pour aller magasiner.» -Craig Sauvé, conseiller de ville à l’arrondissement du Sud-Ouest.
Bien que la situation soit observée fréquemment, elle reste mal documentée, selon M.Ryan, qui avance que peu d’instances politiques se sont saisies de cette question.
«On ne sait pas précisément ce qu’il se passe, on ne sait pas comment agir. Il faut dresser un portrait complet de la situation, et voir quels sont les impacts», a lancé le conseiller en conférence de presse.
M. Ryan et Érika Duchesne, conseillère du Vieux-Rosemont, déposeront une motion au prochain conseil municipal pour demander que la Commission sur le développement économique et urbain documente et chiffre le phénomène afin de trouver les solutions appropriées.
Mme Léveillé propose de son côté que les loyers commerciaux aient eux aussi le devoir de respecter le taux d’inflation pour déterminer les hausses de loyer, comme c’est le cas pour les loyers résidentiels.
«En ayant un portrait complet de la situation à Montréal, les associations de commerçants, qui discuteront avec les propriétaires, auront des outils pour leur montrer que les hausses abusives peuvent se retourner contre eux», avance Mme Duchesne.
Car le local d’Élaine Léveillé est encore vide, même un an plus tard, une situation qui n’est pas inhabituelle, selon les élus.
«On se demande pourquoi il y en a autant qui restent vides. Pourquoi le propriétaire ne baisse pas le prix? J’espère que la Commission va également se poser la question», confie M. Ryan.
Hans Brouillette, directeur des communications de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) rappelle de son côté que, bien qu’il n’y ait pas de régie entourant les loyers commerciaux, le bail constitue tout de même un contrat entre le propriétaire et le commerçant. Il y a donc lieu de négocier les conditions d’augmentation et de renouvellement. «Ils peuvent déterminer que la hausse de loyer ne sera pas plus élevée que le taux d’inflation en plus de l’augmentation des taxes», donne en exemple M. Brouillette.
Il ajoute également qu’avec le développement d’un quartier vient l’augmentation des taxes municipales qui peuvent jouer sur les loyers commerciaux.
«Mais tout est une question d’offre et de demande, résume-t-il. Quand un quartier se revitalise, ça attire des nouveaux commerces, de nouveaux restaurants, des gens qui sont prêts à investir. Ce n’est pas une mauvaise chose», ajoute-t-il, conscient que l’impact sur les loyers peut désavantager les petits commerçants.