À table

Plastique toxique dans nos hôpitaux

Outre leur impact sur l’environnement, l’utilisation de certains articles médicaux en plastique pourrait avoir un effet négatif sur la santé des patients de hôpitaux du Québec.

Des phtalates, en particulier le DEHP, se trouvent dans plusieurs de ces dispositifs, comme les sacs et les tubulures servant aux perfusions veineuses, en tant qu’agents plastifiants. Or, le DEHP est reconnu comme un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire qu’il peut dérégler l’activité hormonale du corps.

La Société canadienne du cancer s’inquiète aussi de l’utilisation du DEHP dans les dispositifs médicaux, puisque ce produit chimique est considéré comme potentiellement cancérigène par le National Toxicology Program, aux États-Unis.

Certaines études sur des animaux ont révélé des effets néfastes du DEHP. Il aurait notamment affecté le développement des testicules et la production de sperme chez les jeunes animaux.

«Plus de recherches sont nécessaires pour savoir exactement quelles quantités sont tolérables par l’organisme et quels sont les impacts sur les patients», a estimé la Dre Patricia Monnier, clinicienne chercheur au Centre de reproduction de McGill.

L’absorption des phtalates par le corps est facilitée lorsqu’ils sont en contact avec les gras et lorsqu’ils sont chauffés, selon Dre Monnier. Dans ce contexte, l’existence de phtalates dans les dispositifs médicaux pourrait être particulièrement problématique chez les jeunes enfants hospitalisés.

«Les jeunes enfants prématurés dans les incubateurs, intubés à une température élevée, seraient exposés à des doses importantes pour leurs petits corps», a soulevé Dre Monnier. Avec son équipe de recherche, elle mène présentement une étude en réanimation pédiatrique au CHU Sainte-Justine pour suivre l’évolution d’enfants ayant été exposés aux phtalates.

Nathalie Robitaille, conseillère à Synergie Santé Environnement et inhalothérapeute de formation, croit que les adultes peuvent aussi y être exposés de façon inquiétante. «Les poches de soluté sont souvent chauffées en salle d’opération pour ne pas refroidir le patient, ce qui facilite la migration du produit vers le corps. Le liquide passe par des tubulures qui contiennent aussi des phtalates», a-t-elle fait remarquer.

Autant Dre Monnier que Mme Robitaille ont rappelé que dans l’état actuel des choses, les avantages de recevoir des soins à l’aide de ces dispositifs sont nettement plus grands que les risques.

«Les établissements de santé soignent la population et c’est la moindre des choses qu’ils n’apportent pas d’élément négatif à sa santé.» -Farid El Hadj Moussa, conseiller en environnement

 

Les citoyens sont exposés aux phtalates de plusieurs manières dans leur vie quotidienne via des cosmétiques, des produits ménagers et des objets en plastique. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs a adopté en 2010 un règlement pour limiter la présence des phtalates dans les jouets pour enfants.

Des dispositifs sans DEHP
Il existe des solutions de rechange aux dispositifs médicaux en plastique contenant des phtalates, qui comporteraient des risques pour la santé.

Une importante liste de tubes, masques, sacs, gants et autres dispositifs médicaux sans phtalates est recensée par Health Care Without Harm, une coalition internationale d’hôpitaux, de systèmes de santé, de professionnels et d’autres acteurs du milieu de la santé. Plusieurs établissements à travers le monde ont d’ailleurs adopté des politiques pour bannir ces produits chimiques de leurs murs, comme l’Association hospitalière de Vienne, en Autriche.

Pour l’instant, l’Institut national de santé publique du Québec ne formule pas de recommandations en ce sens, pas plus que l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. C’est toutefois une préoccupation des établissements de santé, selon Sigma Santé, l’organisme qui prend en charge les processus d’appels d’offre pour l’approvisionnement des hôpitaux de Montréal. François Lemoyne, directeur général de Sigma Santé, assure que la présence de DEHP est un critère d’exclusion de certains articles de leur approvisionnement. Il n’a toutefois pas été en mesure de spécifier de quels articles il s’agit.

Il est difficile pour le public de savoir s’ils sont en contact avec des phtalates à l’hôpital, puisque les hôpitaux montréalais ne font pas nécessairement l’inventaire des dispositifs qui en contiennent. En 2015, l’hôpital Jean-Talon compte répertorier les produits qui contiennent des substances nocives pour la santé, dont le DEHP, dans l’objectif de les éliminer subséquemment. L’hôpital aurait aussi opté pour des tubulures sans DEHP depuis 18 mois.

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) s’est aussi dit préoccupé par la présence de phtalates dans les sacs de solutés et les tubulures. «Le CUSM a abordé la question lors d’une rencontre du groupe de travail sur le développement durable. Nous sommes présentement à réviser la politique environnementale pour en faire une politique de développement durable. C’est notamment dans cette politique d’approvisionnement écoresponsable que nous souhaitons inclure la volonté de bannir, dans la mesure du possible, les substances jugées néfastes de notre liste d’achats», a déclaré le CUSM par le biais de son service des communications.

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