Montréal

Pour que les bottines suivent les babines en matière de développement durable

Au mois de septembre dernier, j’étais à New York pour participer à la Marche sur le Climat. Entassé parmi les 400 000 marcheurs, je discutais avec une sympathisante d’Équiterre venue exprimer avec nous sa grande préoccupation pour la protection du climat et le nécessaire virage vers une économie verte.

Nous attendions donc ensemble que la marche débute. Pour entamer la conversation, je lui ai demandé en quoi elle étudiait, convaincu qu’elle était étudiante. «J’ai terminé mes études, me répondit-elle, je suis la responsable du développement durable pour le service qui coordonne les achats du gouvernement.»

Ayant le don de me mettre les pieds dans les plats, je lui lançai que cela devait être une super belle expérience que de travailler dans cette équipe dont le mandat est hyper important étant donné les milliards de dollars en achats que fait le gouvernement: véhicules, équipements de bureaux, carburant, aliments, papier, etc. «En fait, me répondit- elle, je suis l’équipe.» Elle m’expliqua alors que la personne qui occupait ce poste auparavant avait pris sa retraite et que, conformément à la politique gouvernementale, on avait coupé son poste. Elle a donc été embauchée sur une base contractuelle.

Cette jeune femme qui vient tout juste de terminer son bac a donc le mandat de s’assurer, à elle seule, que les milliards de dollars dépensés par le gouvernement chaque année le soit de façon durable. Gros mandat!

Quelle belle opportunité de début de carrière, lui dis-je. Quelle absurdité administrative, ai-je pensé! Cette coupure de poste va coûter cher au gouvernement.

Le ministre de l’Environnement, monsieur Heurtel, mène présentement une consultation sur un projet de Stratégie de développement durable pour le gouvernement. Cette stratégie est censée amener l’ensemble des ministères et organismes publics (comme la SAQ et Hydro-Québec), à verdir leurs opérations.

Plusieurs intervenants ont pourtant souligné au gouvernement que cette stratégie manque de dents. On laisse essentiellement aux ministères le soin de faire ce que bon leur semble en développement durable. À titre d’exemple, le ministère des Transports pourrait théoriquement décider que son plan de développement durable ne comporte aucune mesure sur le transport écologique!

Les achats du gouvernement sont un levier important. Il y a une trentaine d’année, le papier recyclé avait d’ailleurs été rendu commercialement viable par une vaste politique d’achat des gouvernements. Aujourd’hui, les enjeux se situent davantage au niveau des changements climatiques, mais le principe reste le même: lorsque le gouvernement se met à acheter un produit, celui-ci devient soudainement plus disponible et, à terme, plus accessible.

Selon le mémoire de Switch, l’alliance pour une économie verte, le gouvernement dépense 30 milliards de dollars par année en achats. Le potentiel est donc énorme. Qui plus est, plusieurs stratégies écologiques sont aussi économiques.

Un seul exemple: le gouvernement a fait très peu pour favoriser l’achat d’aliments locaux. Dans les CPE, les écoles et les hôpitaux, on sert des millions de repas chaque année, mais le prix est le principal guide pour choisir ces aliments, peu importe leur provenance. Pourtant, l’achat de produits locaux stimulerait l’économie des régions qui en ont grandement besoin. Dans certains cas, une telle politique permettrait l’émergence de nouvelles entreprises en créant un marché de départ. Ultimement, la société québécoise et son gouvernement seraient gagnants si on pouvait augmenter de 10 ou 20% l’achat de denrées du Québec.

Le gouvernement a la capacité d’agir. Dans le cas des véhicules légers par exemple, il s’est doté d’objectifs ambitieux et souhaite acheter systématiquement des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. L’objectif est clair, les fonds sont disponibles et on est en voie d’atteindre les objectifs fixés.

Évidemment, pour mettre en œuvre des politiques du genre, le gouvernement devra s’assurer de conserver, de recruter et de former du personnel compétent. Le développement durable peut amener de nombreux bénéfices, mais cela exige aussi de nouvelles expertises.

Lorsque nous avons finalement commencé à marcher, j’ai souhaité bon succès à la jeune fonctionnaire et je me suis dis que ses convictions et sa détermination allaient compenser son manque d’expérience et de ressources. J’espère seulement que son contrat n’a pas été coupé dans la plus récente vague de coupures gouverementales.

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