Il fait chaud pour le mois de mars, non? Ma mère qui a 78 ans, m’a dit d’un air grave: «Je n’ai jamais vu ça!» Évidemment, des journées bizarres comme ça, me font penser inévitablement aux changements climatiques et aux modèles des scientifiques qui prédisent… exactement ce qui est en train de se passer.
Mais une chaude journée de printemps me fait aussi penser au jardinage. Et comme père de jeunes enfants qui adorent se rouler dans le gazon (quand ils ne le mangent pas carrément), je me préoccupe des produits toxiques que l’on étend peut-être dessus.
À Montréal, il est interdit d’utiliser des pesticides de synthèse à moins de faire face à une infestation et d’obtenir un permis spécial. Le principe derrière cette réglementation est très simple: la précaution. Devant des études qui indiquent que certains pesticides sont toxiques et, à long terme, potentiellement cancérigènes, les élus locaux se sont dits qu’il valait mieux prévenir que guérir.
Ce n’est malheureusement pas le principe qu’applique le gouvernement du Québec. Alors que la municipalité peut réglementer ce qui est épandu, le gouvernement encadre ce que les détaillants ont le droit de vendre. Voilà donc un excellent exemple d’incohérence: il est possible d’acheter sur le territoire Montréalais des pesticides (potentiellement cancérigènes) qu’il est par ailleurs interdit d’épandre sur ce même territoire!
Évidemment, le citoyen qui se préoccupe de la couleur de son gazon, qui rentre chez son quincaillier local et achète un «mélange pour gazon vert», ne prend pas nécessairement le temps de vérifier la réglementation en vigueur dans sa municipalité. Aussi, contrairement aux cigarettes, les sacs de pesticides ne comportent pas de photos-chocs ou d’avertissements du genre: votre enfant (ou celui du voisin) pourrait, à long terme, développer différents types de cancers si vous utilisez ce produit régulièrement.
Il est difficile de comprendre ce qui fait hésiter le gouvernement Charest à légiférer comme l’ont fait l’Ontario et la Nouvelle-Écosse. Il n’y a aucun argumentaire économique en faveur de la vente de pesticides à des fins esthétiques; des services horticoles peuvent très bien se commercialiser sans ces produits dangereux.
Contrairement à ce que peuvent prétendre certains à l’égard de l’utilisation de pesticides à des fins agricoles, il n’y a pas d’enjeu de «productivité» en horticulture. Que votre gazon soit vert pâle, vert foncé ou vert-parsemé-de-fleurs-jaunes, ceci n’affectera en rien votre revenu ou notre capacité collective à se nourrir! Le seul argument économique, me semble-t-il, en est un en faveur de l’interdiction totale de ces pesticides puisqu’il est certain qu’à court, moyen et long terme, cela réduira nos coûts de santé.
Les politiciens hésitent souvent à légiférer dans l’intérêt public lorsque la mesure n’est pas populaire. Mais ce n’est pas le cas non plus; 86% des Québécois sont favorables à une réglementation pour bannir les pesticides de synthèse dangereux.
Ce printemps, ma mère devra, à 78 ans, faire appel à une entreprise d’entretien des pelouses (la sienne est très grande). Or, toutes les entreprises se disent «écologiques» (dans certains cas, les petits drapeaux sur le gazon indiquant qu’il ne faut pas y toucher me laissent toutefois sceptique….). Que faire? Doit-elle se transformer en biochimiste lorsqu’elle magasine son entreprise horticole afin de vérifier les produits utilisés? Bien sûr que non!
C’est le rôle du gouvernement. Il doit protéger sa santé et celle de mes enfants. Il doit bannir les pesticides à des fins esthétiques.