Montréal

Le sourire de Belem

Si vous lisez cette chronique, vous devez promettre de ne pas en parler à ma fille.

Belem a 5 ans et demi et elle prend des cours de piano. Puisque nous n’avons pas l’instrument à la maison, elle doit aller chez sa mamie pour ses leçons et pour pratiquer; heureusement, c’est notre voisine… Mais la vie étant ce qu’elle est, Belem ne pratique pas à tous les jours parce que sa mère et moi manquons de temps pour y aller avec elle.

Pour Noël, nous avons donc décidé de lui acheter un clavier. Ouf, pas donné cet instrument. Pourquoi elle ne prend pas des cours de ukuleles? Au magasin, on a hésité devant le prix, même si toute la famille va y contribuer (on s’était dit, moins de cadeaux, plus de qualité…).

Finalement, ma blonde m’a dit, tu sais, ce n’est pas vraiment une dépense, c’est plutôt un investissement. Est-ce qu’on hésiterait à l’envoyer à l’école ou à lui acheter un livre? Non. Alors pourquoi on n’hésiterait à lui offrir ce qui est, pour plusieurs, une façon de s’évader, de créer, d’apprendre, de se divertir, de s’épanouir? Ma belle-mère joue du piano à tous les jours. Ce n’est vraiment pas une dépense; c’est un investissement avec un rendement stable; 365 sourires par année, à vie. SA vie.

Alors, vous comprenez, il ne faut pas dire à Belem quel sera son cadeau, ok? Et une autre chose, pourriez-vous ne pas lui dire, non plus, le cadeau que Stephen Harper lui a fait cette semaine en retirant le Canada du protocole de Kyoto. Honnêtement, j’ai pensé lui expliquer, mais je n’y arrivais pas. Cela me rend trop fâché, trop triste.

Surtout que lorsqu’on parle à un enfant de 5 ans, les scénarios désastreux dans 40 ans, ne semble pas si loin que ca.

M. Harper nous dit que Kyoto va nous coûter trop cher. La vérité est que ne pas réduire nos émissions de gaz à effet de serre va nous coûter bien plus cher. Au Québec, par exemple, on ne produit ni pétrole, ni charbon, ni voiture. En revanche, on produit de l’électricité renouvelable, des trains, des autobus et des technologies vertes. Le scénario est semblable au Manitoba et en Colombie-Britannique. Pensez-vous que Kyoto allait nous faire perdre des emplois? Au contraire! Nous allions en gagner.

Évidemment, ailleurs, la transition aurait été plus difficile. Mais, à long terme, le résultat serait également positif. Les grandes études économiques (celle de Sir Nicholas Stern, notamment), arrivent à la conclusion que le coût pour s’adapter aux changements climatiques sera bien plus important que les investissements à faire à court terme.

Comme le clavier de Belem, Kyoto est un investissement. Le retour sur l’investissement le plus important, dans les deux cas, est inestimable puisqu’il se compte… en sourires. Un sourire devant une forêt vierge. Un sourire parce qu’on respire de l’air pure. Un sourire de fierté de faire partie d’une nation qui fait sa part, en toute solidarité.

Tôt ou tard, je vais devoir expliquer à Belem ce que le gouvernement Harper a fait. Mais faites-moi confiance, d’ici là, je vais m’organiser pour avoir de bonnes nouvelles à lui donner aussi. Son sourire est trop important pour moi.

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