Environnement

La trame verte pour les nuls

Le projet de plantation de 375 000 arbres d’ici le 375e anniversaire de Montréal avance bon train. Les 60 000 premiers arbres ont déjà été plantés et contribueront à établir une trame verte dans la région, selon le professeur au département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais et bassiste des Cowboys Fringants, Jérôme Dupras. Ce dernier était à la Maison du développement durable récemment pour donner une conférence sur le sujet. État des lieux de ce projet important pour la biodiversité montréalaise.

Constat inquiétant
Selon le chercheur de l’Université de Montréal, Claude Marois, près de 33% des terres agricoles des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal n’appartiennent plus à des agriculteurs ou ne sont pas cultivées. «On assiste depuis une vingtaine d’années à une reprise du phénomène de spéculation», déplore Jérôme Dupras.

Entre 1966 et 2010, les superficies boisées ont baissé de 30% dans la métropole et les terres agricoles de 20%. En calculant le coût des infrastructures nécessaires pour remplacer les services écologiques offerts par ces milieux naturels perdus (captation des eaux de pluie, lutte aux îlots de chaleur), M. Dupras est arrivé à la somme de 236M$ par an. «Et ce n’est que la pointe de l’iceberg», dit-il.

Trame 101
La métropole compte environ 130 espèces à statut menacé, vulnérable ou précaire. Il s’agit notamment de la rainette faux-grillon, le pic à tête rouge et la tortue géographique. La liste est encore plus longue si on ajoute les plantes. «Pour pouvoir subsister, les espèces animales ont besoin de zones interconnectées pour se déplacer, se nourrir et se reproduire. Or, sur 45 ans, on a perdu 80% du potentiel de connectivité des milieux naturels», indique M. Dupras.

Pour y remédier, Londres, Lyon, Toronto et Ottawa ont créé des ceintures vertes qui ont aussi pour effet de limiter l’étalement urbain. La métropole montréalaise a inscrit un projet de trame verte et bleue dans son Plan d’aménagement et de développement (PMAD).

«Il y a actuellement cinq projets mis de l’avant et totalisant 150M$, mais ce ne sera pas suffisant pour faire face aux changements climatiques, aux espèces invasives et à la perte de biodiversité», prédit M. Dupras qui note que de nombreux maires de la métropole refusent encore de changer la vision de développement de leur municipalité largement basée sur la destruction de milieux naturels.

Par exemple, Vaudreuil-Soulange souhaite faire construire un hôpital dans un boisé. Mirabel veut sa gare de train de banlieue en milieu agricole et Montréal a autorisé la construction d’un boulevard urbain et d’un pôle de 6000 habitations dans le secteur du boisé de l’Anse-à-l’Orme.

Des solutions?
Face à la relative inertie de certains politiciens, des scientifiques et des environnementalistes développent en parallèle leur propre projet de trame. «Grâce à l’équipe d’Andrew Gonzalez, de l’Université McGill, on a établi une carte des endroits clés à conserver et surtout une analyse complète de la connectivité potentielle du territoire», déclare M. Dupras. Grâce à la cartographie aérienne, chaque zone est donc classifiée selon la possibilité ou non d’y implanter des corridors naturels pour relier les zones boisées d’intérêt entre elles.

M. Dupras suggère aussi au gouvernement d’imposer un système de compensation plus contraignant pour les villes qui ne respectent pas les objectifs d’aires protégées. «Il y a un manque de vision globale et de volonté politique du gouvernement pour préserver la nature dans la région de Montréal. Il faudrait s’inspirer du gouvernement de l’Ontario qui a reconnu légalement la Ceinture verte de Toronto en 2005 (notre photo) et a donné des outils adéquats aux responsables de l’aménagement du territoire afin de contrôler l’étalement urbain», selon lui.

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