Des enseignants craignent de ne pas recevoir la formation appropriée pour donner des cours d’éducation à la sexualité prévus dans le cadre d’un projet-pilote déployé dans une quinzaine d’écoles de la province, dont à l’école Jules-Verne de Montréal-Nord.
Le projet-pilote sera mené pendant deux ans avant de s’étendre à l’ensemble des établissements primaires et secondaires à partir de 2017-2018. La connaissance du corps, les sentiments amoureux et les stéréotypes sexuels font partie des sujets qui seront abordés, en fonction de l’âge des élèves.
Bien qu’ils ne sachent pas encore comment, ni pendant combien de temps, les enseignants seront formés, le syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île (SEPÎ) formule déjà des craintes à ce sujet.
«Une formation de quelques heures, vous croyez que c’est suffisant? Ça prendra la collaboration de spécialistes en sexologie. On ne fait pas de <@Ri>patchage<@$p> en éducation», insiste Thérèse Prinos, vice-présidente du syndicat.
Ces craintes sont partagées par une enseignante de l’école Jules-Verne, qui a voulu taire son nom.
«On ne sait pas si ça va être bien intégré, si nous serons bien formés pour enseigner ce contenu-là. On se demande aussi ce qu’on peut dire ou non à des enfants», énumère-t-elle, ajoutant qu’elle et ses collègues nagent dans l’incertitude.
Sujets sensibles
La sexologue Jocelyne Robert s’inquiète aussi de la formation. Elle n’avait vraiment pas aimé que le ministère soutienne, il y a quelques semaines, qu’il n’est pas nécessaire «d’être un expert de haut niveau» pour assurer la qualité de l’enseignement.
«C’est méprisant pour les experts qui font des années d’université. C’est méprisant pour les enfants de dire que l’on peut leur enseigner n’importe quoi et c’est méprisant pour les enseignants qui sont déjà débordés», rage-t-elle.
Elle se demande aussi si certains enseignants auront «l’aisance» ou «le confort» nécessaires pour aborder des sujets sensibles.
«Certains vont avoir peur de faire des gaffes, peur de la réaction des parents. Ils auront besoin du soutien d’experts. L’intention du programme est bonne. Le contenu aussi, mais il faudra voir comment on l’applique», dit Mme Robert.
Jasmin Roy, qui lutte contre l’intimidation dans les écoles depuis des années, s’inquiète quant à lui de l’aspect budgétaire.
«Présentement, c’est seulement 15 écoles, mais il y en a 3000 au Québec. Comment va-t-on former tout ce monde-là? Où va-t-on prendre l’argent? Il n’y en a même pas suffisamment pour l’intimidation.»
Couper ailleurs
Le syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île se demande aussi comment il sera possible d’inclure ces 5 à 15 heures d’éducation à l’horaire déjà bien chargé.
«Il y a un danger à enseigner la sexualité à travers deux notions de mathématique. Il faudra couper du temps en maths, en français ou en sciences», dénonce Mme Prinos, qui se demande également si la diversité culturelle et religieuse a été prise en compte.
Le gouvernement rassurant
Du côté de Québec, le ministère de l’Éducation promet que la formation sera suffisante.
«Le ministère assume les coûts d’une formation initiale en présence pour 2 personnes par école et une formation à distance pendant l’année. Il assure aussi les coûts de libération des enseignants pour la collecte de données», indique, dans un courriel, Esther Chouinard, relationniste au ministère.
Par ailleurs, on considère que les enseignants n’auront pas à assumer tout ce volet d’éducation à la sexualité, puisque «des psychologues, les animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire et les infirmières peuvent intervenir sur des sujets précis».
L’école Jules-Verne ainsi que le Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île ont décliné nos demandes d’entrevue.
Les parents ont aussi été avisés par la poste que le projet-pilote sera mené durant les deux prochaines années.
Il ne semble pas y avoir de réticences pour l’instant, selon l’enseignante contactée.