Des locataires d’un édifice à logements de la rue Scott à Saint-Laurent accusent leur propriétaire de tenter de les évincer en utilisant différents stratagèmes comme l’augmentation de leur loyer et la diminution du chauffage de l’édifice.
L’édifice, de type multiplex, est situé au 2130 de la rue Scott. Selon le Comité logement de Saint-Laurent, 35 logements s’y trouveraient et les locataires de ces derniers traverseraient des moments difficiles depuis l’arrivée d’un nouveau propriétaire, Saleh MD Abu.
«Ce sont 35 logements qui ne sont pas chauffés depuis janvier. Le nouveau propriétaire essaie d’évacuer les locataires pour faire des rénovations, alors qu’ils sont là depuis plus de 20 ans», alerte la directrice du Comité logement de Saint-Laurent, Maria Vasquez.
La situation est particulièrement préoccupante alors que, durant les journées les plus froides des deux derniers mois, la température n’atteignait pas 13°C dans les appartements, selon une locataire rencontrée jeudi par TC Media.
Nous n’avons toutefois pas été en mesure de vérifier les dires de la locataire. Lors de notre passage, la température extérieure était de 1,5°C. Le chauffage fonctionnait et la température intérieure était au-dessus des 21°C recommandés par la Régie du l«ogement.
«Réaménagement de cuisines»
Le propriétaire de l’édifice a déposé une requête le 12 février afin d’obtenir un permis auprès de l’arrondissement pour «réaménagement de cuisines», des rénovations qui ne doivent pas avoir d’effet sur les dimensions et le nombre de logements. Il n’était néanmoins pas possible de consulter le détail des plans soumis en raison de la grève des cols blancs.
Pourtant, selon les lettres d’éviction envoyées à certains locataires et dont TC Media a obtenu copie, le propriétaire affirme vouloir «agrandir substantiellement le logement».
Pour les locataires, il est clair que le nouveau propriétaire souhaite simplement augmenter le prix du loyer. Une «demande d’opposition à l’avis d’agrandissement» a même été déposée à la Régie du logement par une des locataires.
L’article 1959 du Code civil du Québec stipule que, «quand on agrandit, on augmente les dimensions d’un logement en utilisant un autre logement».
L’arrondissement confirme qu’aucune demande n’a été reçue pour des rénovations de cette nature. «S’il ne fait pas ce qui est prévu, il doit faire une nouvelle demande», précise le directeur de l’aménagement urbain de l’arrondissement Saint-Laurent, Éric Paquet. «Notre but est d’arriver à des travaux conformes [au règlement].»
Du côté du Comité logement de Saint-Laurent, Maria Vasquez affirme «qu’il y a eu un décès dans un 3 ½ et que cet appartement a été divisé en deux par le propriétaire.»
Peur
Deux locataires ont relaté leur expérience, sous le couvert de l’anonymat, et ouvert les portes de leurs appartements à TC Media jeudi. «Beaucoup ont peur de faire quelque chose, a précisé l’une d’entre elles, mais il y a des lois à respecter.»
Toutes deux locataires depuis plus de 20 ans, elles expliquent que l’immeuble n’a plus de concierge depuis l’arrivée du nouveau propriétaire, alors qu’il y en a toujours eu un. C’est tout une série de services qui ont disparu, de l’entretien des espaces communs au déneigement de l’entrée, en passant par la caméra de sécurité qui a été arrêtée.
«C’est vraiment terrible, c’est comme si une bombe avait explosé dans l’immeuble», a ajouté la locataire.
«Il y a des ententes qui existent avec l’ancien propriétaire, mais le nouveau vient dicter des lois», précise Mme Vasquez, qui assure que ce genre de pratiques est courant.
«Les locataires ne paient pas beaucoup et ils vont perdre leur ancienneté s’ils partent, c’est important qu’on lutte pour eux», ajoute-t-elle.
Un propriétaire injoignable
Comme il n’y a plus de concierge, un numéro de téléphone a été mis à la disposition des locataires en cas de problème.
«Ça ne répond jamais, et la boîte vocale est pleine. J’ai déjà laissé une dizaine de messages, sans avoir de retour», déplore l’une des locataires.
Le propriétaire dit agir dans la légalité
Rencontré par TC Media vendredi, le propriétaire de l’immeuble, Saleh MD Abu, dit ne jamais avoir reçu de plaintes de ses locataires, que le chauffage fonctionne, ce qui était effectivement le cas lors de notre passage, et qu’il respecte la loi.
Au sous-sol du bâtiment, Saleh MD Abu présente les deux appareils automatiques qui chauffent tout l’immeuble au gaz. L’un d’eux fonctionne en permanence et l’autre se met en marche si le mercure descend sous -20°C, afin de maintenir une température minimale de 22°C.
«Au début de l’hiver, nous avons eu un problème avec le système de chauffage, mais un technicien est venu le réparer en 3-4 heures», précise-t-il.
Quant au concierge, il affirme qu’il est toujours là à temps partiel. M. MD Abu effectue lui-même le reste du travail nécessaire.
Au sujet des évictions, M. MD Abu dit respecter la loi et le préavis de six mois. «J’ai envoyé deux notices, et il y en a quatre autres à venir», explique-t-il.
Selon lui, il s’agit du processus légal avant de faire des «rénovations majeures». Il souhaite ajouter une chambre dans les appartements concernés.
Questionné sur le prix des loyers, il ne parle pas d’augmentation, mais «qu’un appartement de trois chambres n’est pas la même chose qu’un avec deux chambres» et qu’il se fie au prix du marché qu’il dit «ne pas connaître».
M. MD Abu constate plutôt que certains locataires ne respectent pas leurs baux. «Six ont des laveuses, alors que ce n’est pas permis», indique-t-il. Il leur demande dans une lettre de «cesser de les utiliser» sous 10 jours, faute de quoi des «mesures juridiques seront prises».
Les locataires rencontrés disent que la laveuse venait avec l’appartement lorsqu’ils sont arrivés il y a plus de 20 ans.