Les Québécois sont loin d’abandonner l’auto. En 2015, il s’est vendu 20% plus de véhicules neufs qu’en 2011, selon les données de Statistique Canada. Et ils sont de plus en plus gros. Au point où l’année dernière, 51% des véhicules neufs vendus ont été des véhicules utilitaires sport (VUS), des pickups et des mini-fourgonnettes. Est-il possible de désacraliser l’auto se questionnent plusieurs intervenants? Voici leurs réflexions.
1-Attaquer de front?
Pour Félix Gravel du Conseil régional de l’environnement de Montréal, la population doit prendre conscience de la trop grande part de l’automobile dans notre société. Il mentionne, par exemple, que comme le Québec importe autos et pétrole, ce sont 27G$ par an qui quittent la province chaque année. Sans parler du fait que les émissions de gaz à effet de serre des véhicules représentent 2,5 tonnes par Montréalais. «Du côté des politiciens, s’attaquer à l’auto solo, c’est comme s’attaquer au progrès et à l’économie», a-t-il noté, mardi, lors d’un débat sur le sujet à la Maison du développement durable. Le publicitaire Richard Messier est plus optimiste. «Pour la génération Y, posséder une auto n’est pas important. Ce qui compte pour eux ce sont les expériences. D’ici 10 à 15 ans, quand ils seront capables d’imposer leurs valeurs, on verra des résultats», prévoit-il. Il recommande aussi aux forces du changement d’essayer d’agir de façon plus coordonnée si elle veulent vaincre le lobby de l’auto.
2-Covoiturage technologique
Chaque matin, à Montréal et en banlieue, 2,5 millions de personnes partent travailler ou étudier, dont 1 million le font seules, en auto. Cela laisse 3 millions de places vides dans ces automobiles, des places que souhaite utiliser l’application pour téléphone intelligent montréalaise Netlift qui vise à éviter les bouchons et à diminuer la pollution. «Notre secret c’est que notre algorithme permet de jumeler covoiturage et transport en commun», lance Marc-Antoine Ducas, cofondateur de l’application qui compte 3000 utilisateurs actifs et un taux de succès très élevé dans les jumelages (40%). Le client typique: un habitant du quartier Rosemont qui va travailler dans un centre d’appels du quartier Saint-Laurent. Il va débuter son trajet sur la ligne orange pour être pris à la station Côte-Vertu par un habitant du quartier Côte-des-Neiges. La partie finale du trajet lui prendra 25 minutes de moins qu’en autobus en échange de 4$ qu’il versera à l’automobiliste. Netlift vient de conclure une ronde de financement de 1,3M$ qui «servira notamment à moderniser l’application et à dépoussiérer l’image du covoiturage pour en faire une véritable option de mobilité durable», souligne M. Ducas.
3-La solution médiane
S’il est difficile de faire décrocher les Québécois de leur amour pour l’auto, pourquoi ne pas miser sur l’électrification du parc automobile? Pour Chantal Guimont, PDG de Mobilité Électrique Canada, «les bonnes raisons de passer au transport électrique sont nombreuses. Les véhicules électriques sont 4 à 6 fois moins chers à exploiter et réduisent les gaz à effet de serre». L’organisme qu’elle dirige ajoute que «les subventions gouvernementales à l’achat et la mise en place d’une infrastructure de recharge au travail et sur les autoroutes sont de toute première importance». En mai, la Ville de Montréal a dévoilé en mai son plan d’électrification de la flotte de véhicules en libre-service. Récemment le gouvernement québécois a annoncé des mesures pour forcer les fabricants à vendre plus de véhicules électriques. «Reste à voir si les autos électriques vont remplacer des véhicules à essence où s’ils seront acquis dans le cadre de l’achat d’un deuxième véhicule», a souligné la journaliste du Devoir Florence G. Ferraris en sous-entendant que cela ne règlerait alors pas la question de la congestion routière.