Montréal

Une monnaie locale pour Montréal

 

Une petite révolution est en cours dans Villeray, où un groupe citoyen planche sur un projet de monnaie locale et complémentaire exclusivement destinée à des achats montréalais. Leur site Internet, unemonnaiepourmontreal.org, vient tout juste d’être lancé.

Avec une nouvelle devise «autogérée», les citoyens membres du mouvement lancé il y a quelques mois dans Villeray espèrent encourager le commerce local et redonner un certain contrôle de la richesse à la population montréalaise.

La monnaie, dont l’aspect physique ou virtuel n’a pas encore été déterminé, servirait à faire des emplettes chez les commerçants locaux, qui utiliseraient de leur côté la monnaie pour s’approvisionner eux aussi chez des membres du mouvement.

«De cette façon, la richesse continue de circuler dans la ville, plutôt que d’être accumulée, et de partir par exemple dans les paradis fiscaux», résume l’un des membres du groupe, François Geoffroy.

Avec une monnaie locale, Montréal emboîterait le pas à la Gaspésie, où plusieurs commerçants acceptent le Demi, des billets de 20$ coupés en deux, qui en valent la moitié et qui ne peuvent être dépensés que chez les participants.

L’idée, qui remonte au 19e siècle, a récemment fait des petits en France à la suite de la crise économique de 2008. Le sol-violette à Toulouse, la Gonette à Lyon et le Stück à Strasbourg, en sont aussi des exemples probants.

Pouvoir citoyen
Plus qu’une monnaie, la devise est selon les fondateurs un vecteur de changement important.

«Le simple geste de créer une monnaie locale est révolutionnaire. Juste le fait de prendre conscience qu’on a ce pouvoir-là peut donner envie de changer plus encore», lance François Geoffroy.

Composé d’une cinquantaine de personnes qui ont toutes des parcours professionnels différents, le groupe a reçu la visite d’un expert, Philippe Derudder, qui a donné une conférence sur les différents effets d’une monnaie locale.

«C’est un moyen pour repenser les choses et créer à terme un espace de vie harmonieux pour tous. Ça revivifie l’économie des petites et moyennes entreprises tout en attirant l’attention des citoyens sur l’achat local et l’aspect écologique. C’est vraiment pour moi une clé, un outil de changement social sur des décennies», explique le spécialiste, auteur français de plusieurs ouvrages sur la question.

Engagée depuis quelques mois et conceptrice du site Web, Jessica Chin voit dans le projet une des principales façons avec lesquelles on peut s’initier au monde de l’économie.

«J’ai réalisé que la monnaie locale pouvait avoir un rôle d’éducation populaire. Ça va amener les consommateurs à réfléchir sur leur utilisation et leur consommation. Ils vont se demander pour quel produit ils réservent la monnaie locale et quel est son effet», affirme-t-elle.

Le groupe vise l’implantation de la monnaie dans tous les quartiers de Montréal, et même en région où quelques producteurs pourraient entrer dans la chaîne.

Défis
Le groupe organise des rencontres afin de discuter de certains aspects, tels que la question de la sécurité et les différentes conditions d’utilisation de la monnaie. Les fondateurs doivent réfléchir au-delà du nom, quels commerces pourraient l’adopter et comment elle pourra s’inscrire dans le système économique actuel.

Selon l’expert Philippe Derudder, convaincre les citoyens d’utiliser la monnaie locale sera plus difficile que les commerçants.

«L’intérêt d’utiliser une monnaie autre que le dollar, les commerçants le comprennent très vite parce qu’ils voient le moyen d’attirer leur clientèle, mais les citoyens peuvent être plus difficiles à rejoindre», affirme-t-il.

Les moyens financiers, qui seront nécessaires notamment pour l’impression si la monnaie est sur papier, et quelques outils de communication ne sont pas encore déterminés.

Mais, afin d’en retirer tous les bénéfices, le groupe veut «s’assurer que le projet reste celui des citoyens et ne devienne pas un outil politique».

 

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