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Un débat typique

 

Il y en a pour dire que le fait d’être une femme ne pénalise en rien Hillary Clinton dans l’élection présidentielle. On pourrait en rire pendant longtemps. On pourrait analyser toutes les barrières systémiques qui se sont dressées devant Hillary Clinton depuis le début de son parcours. On pourrait analyser les nombreux doubles-standards qui affligent encore aujourd’hui les femmes en politique. Mais on pourrait aussi tout simplement se pencher sur le débat d’hier qui, pour bien des femmes, avait des allures de déjà-vu : une femme ultra-qualifiée se faisait interrompre et expliquer la vie par un homme qui s’improvise depuis 5 minutes expert dans son champ de compétences.

Le portail Vox a fait le calcul : la secrétaire d’État s’est fait couper la parole 51 fois par Trump, qu’elle a interrompu 17 fois. En tout, Hillary Clinton a été interrompue 70 fois contre 47 pour son interlocuteur. Typique. Des études démontrent que lorsqu’une femme prend la parole, elle court plus de risques d’être interrompue qu’un homme, et bien que les femmes s’adonnent elles aussi – dans une moindre mesure – à l’interruption, lorsqu’elles le font, il y a plus de chances qu’elles interrompent une autre femme.

Le débat d’hier était aussi une illustration du phénomène de mansplaining, cette attitude confiante qu’ont certains hommes d’expliquer les choses avec condescendance à une femme en prétendant qu’ils sont plus compétents qu’elle dans ce domaine malgré que ça ne soit pas le cas. Par exemple, se faire expliquer son texte par quelqu’un qui n’en a lu que le titre, ou se faire expliquer son livre par quelqu’un qui n’en a lu qu’un compte-rendu, comme l’illustre Rebecca Solnit dans Men explain things to me, l’essai que l’on dit à l’origine du concept de mansplaining.  Or, on peut trouver tous les défauts du monde à Hillary Clinton, son expérience de la politique n’est pas comparable à celle de Donald Trump. Ça n’empêchera pas au magnat de l’immobilier d’affirmer sans rire qu’il a un meilleur tempérament ou que sa rival n’a pas ce qu’il faut – le look ou l’énergie – pour diriger le pays.

Mais Hillary Clinton, comme plusieurs femmes qui se sont retrouvées à débattre avec quelqu’un qui n’avait pas le quart de leurs compétences, a dû écouter les arguments de son adversaire avec patience et courtoisie, comme si ceux-ci étaient aussi valides et légitimes que les siens. Le naturel aurait pourtant mené quiconque dans pareille situation à sortir de ses gonds, à rétorquer, répondre, interrompre, grimacer. Mais tout ça eût été encore plus couteux pour celle qui aspire à la présidence américaine que de sourire en retenant un petit rot surette.

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