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Trois raisons de marcher

Graham Hughes / La Presse Canadienne

 

On peut dire que la marche des femmes qui s’est tenue dans plus de 600 villes du monde et qui a réuni aux États-Unis près de 3 millions de femmes et alliés fut un immense succès. Comme dirait Trump, «This march was huge. It was a tremendous march».

Toutefois, plusieurs personnes ont affirmé sur les réseaux sociaux que cette marche ne servait à rien, qu’elle ne détrônerait pas Trump, et que, particulièrement au Canada, elle était insensée puisque Trump n’est pas notre leader à nous de toute façon.

Je comprends la tentation pour certains de minimiser la portée d’un événement majeur duquel ils se sentent exclus. J’ai moi-même flirté avec l’idée de m’inventer une vie trépidante sur Instagram le soir de la première médiatique de Céline Dion à laquelle personne n’avait cru bon de m’inviter. Mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas concerné par un événement – par exemple, parce que ses droits ne seront jamais menacés par l’élection de Trump – que l’on devrait jeter par-dessus bord toute notion de démocratie ou d’engagement social. Depuis quand s’attend-on à ce que les démonstrations populaires de colère mènent nécessairement à la destitution d’un chef d’État, je veux dire, depuis quand après 1789? Les marches ont bien d’autres fonctions, et pour faire court, en voici trois qui m’ont semblé utiles hier.

1. Montrer la dissension

Hier, des millions de femmes ont répondu à l’élection de Trump qu’elles n’étaient pas d’accord. Pas d’accord avec le fait, notamment, qu’il semble suffisamment légitime de se vanter d’agripper des vulves sans consentement pour que ça n’empêche personne d’accéder au poste le plus puissant du monde. Pas d’accord avec le fait que la parole raciste se décomplexe dans l’espace public. Pas d’accord avec l’attitude désinvolte à l’égard des changements climatiques. Pas d’accord avec la précarisation des minorités sexuelles et ethno-culturelles. Qu’elles aient ou non un impact concret sur la suite des choses, les marches servent à dire que nous ne sommes pas d’accord. Et en démocratie, cela a encore de la valeur.

2. Montrer la solidarité

Au lendemain de l’élection de Trump, plusieurs personnes se sont senties trahies, flouées, et probablement très seules. Qu’avait-il pu se passer pour que l’élection d’Hillary Clinton, qui semblait gagnée d’avance s’ils n’en croyaient que la bulle algorithmique de leurs réseaux sociaux, leur ait échappée? Les manifestations servent à montrer que nous ne sommes pas isolés dans nos frustrations, et que nous sommes plusieurs à partager les mêmes craintes. Accessoirement, elles peuvent créer des alliances qui seront nécessaires pour les quatre prochaines années.

3. Envoyer un message 

Trump n’est pas le président du monde, mais ça n’empêche pas son élection de revêtir une charge symbolique qui dépasse largement les frontières américaines. Sans même compter le fait que les décisions qui seront prises par l’administration américaine dans les prochaines années auront concrètement des impacts sur nous et sur d’autres, peut-on vraiment dire qu’il est inutile de rouspéter?

Le système démocratique américain a fait en sorte que le vote populaire n’a pas eu le poids escompté sur l’issue de l’élection. Faudrait-il que, pendant quatre ans, les personnes en colère restent assises chez elles? Au PIRE, celles qui ont marché hier auront perdu une journée de leur vie et fâché quelques automobilistes. Est-ce qu’un statut passif-agressif insinuant l’inutilité de la démarche aura changé ça? Non. Se sera-t-il avéré, en bout de ligne, plus utile? Non plus.

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