On apprenait récemment que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Cody, reconfirmait les principes établis l’an dernier dans la controversée décision Jordan. Cela survient au moment même où un tribunal ordonne l’arrêt des procédures au profit d’un Sri Lankais accusé, au Québec, du meurtre de sa femme. N’en fallait pas plus pour que s’enflamment, à nouveau, les médias traditionnels et sociaux quant aux impacts prétendument délétères de l’arrêt Jordan.
Bien que fort peu nombreux, les quelques arrêts de procédure prononcés ont d’ailleurs provoqué un autre débat, imprévu celui-là: la pertinence d’utiliser, à Québec, la disposition de dérogation. Au dire de certains, celle-ci permettrait de suspendre les effets toxiques de la décision honnie, du moins jusqu’à nouvel ordre.
Cela étant, le quasi-ensemble des discussions afférentes à celle-ci porte, depuis maintenant un an, sur 1) ses conséquences catastrophiques; 2) un débat métaphysique sur le partage des compétences fédérales-provinciales.
Bon. Mais qu’en est-il des aspects positifs de Jordan? En existe-t-il? Euh…oui. Beaucoup. Vraiment. Suffit de s’y attarder un brin. Et de regarder le portrait d’ensemble. Quelques rectificatifs, donc.
D’abord, Jordan ne constitue d’aucune manière, une machination trudeauiste. Oui, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est prévu dans la Charte canadienne. Sauf qu’il l’est aussi dans la Charte québécoise. Idem pour plusieurs instruments internationaux de protection des droits de l’homme.
Deuxièmement, il oblige les gouvernements à fournir des ressources suffisantes afin de faire respecter ce droit fondamental : juges, procureurs de la Couronne, ressources administratives.
Ensuite, les mesures devant être prises auront pour effet de réduire, par définition, les délais applicables. Une bonne chose pour l’accusé, évidemment, mais aussi pour… les victimes. Qui, parmi celles-ci, souhaite étirer le calvaire? Personne.
Il y a aussi la préparation de la Couronne. Compte tenu des délais impartis entre le dépôt des accusations et le verdict, la Couronne s’assurera maintenant de compléter sa preuve AVANT d’accuser X ou Y. Si la présomption d’innocence existe encore en ce pays, comment ceci pourrait-il être une mauvaise affaire? Pensons par exemple au cas Gomeshi, où une préparation plus adéquate, non motivée par les pressions populaires, aurait possiblement permis d’éviter le fiasco.
Également, il est faux de prétendre qu’il est facile d’obtenir l’arrêt des procédures en question ou que les délais provoqués par la défense sont comptabilisés. Pensons à Gilles Vaillancourt ou aux accusés du Faubourg Contrecoeur.
Enfin, considérons la question de la disposition de dérogation. Grand temps, je dirais, que le politicien moyen cesse l’instrumentalisation du droit, particulièrement en l’espèce. Parce que la Cour suprême a déjà déterminé, au début des années 1980, que la question des délais relevait du droit criminel. Parce que celui-ci est de compétence fédérale. Parce que Québec ne peut adopter la disposition en question dans un champ de compétence qui n’est pas le sien. Simple. Non? Alors, allez lire l’excellente étude du chum St-Hilaire. Voilà, c’est réglé. On passe à autre chose, maintenant?