Le gouvernement provincial de l’Ontario a annoncé dans sa mise à jour économique, jeudi, avoir réduit son déficit de 500 millions $, mais le redressement des finances publiques risque de faire mal à la communauté franco-ontarienne. Le gouvernement de Doug Ford annonce qu’il met fin au projet d’université francophone en plus d’abolir le Commissariat aux services en français de l’Ontario.
Par une simple phrase au bas de la page 20 du document intitulé «Un plan pour la population — Perspective économique et revue financière de l’Ontario», le gouvernement progressiste-conservateur a sabordé l’Université de l’Ontario français.
Le projet, recommandé par le Commissariat aux services en français, a fait l’objet d’une loi adoptée en décembre 2017 et devait accueillir ses premiers étudiants dès 2020.
La phrase en question se lit comme suit: «De plus, un examen plus détaillé de la situation financière de la province a amené le gouvernement à annuler les plans de création d’une nouvelle université de langue française.»
Pour l’ex-ministre libérale des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, cette décision «est une attaque, un affront à la francophonie de l’Ontario». Elle rappelle que la communauté et les jeunes franco-ontariens sont mobilisés derrière ce projet depuis cinq ans.
«On me l’avait assuré durant la campagne, tout le caucus conservateur s’était engagé à mettre de l’avant l’Université de l’Ontario français. Aujourd’hui, c’est une surprise et une déception totale», se désole Mme Lalonde.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) reproche elle aussi au premier ministre de renier sa parole. En entrevue avec La Presse canadienne, son président Carol Jolin a rappelé que Doug Ford avait soutenu le projet pendant sa campagne à la chefferie, pendant la campagne électorale provinciale et même après sa victoire.
«On ne l’a vraiment pas vu venir», confie M. Jolin, qui se dit littéralement en état de choc. Mais celui-ci n’entend pas baisser les bras.
«On va travailler pour mobiliser la francophonie canadienne d’un bout à l’autre du pays. On n’abandonnera pas. On va ramener constamment le projet et on espère un autre dénouement à un moment donné.»
Le Commissariat aux services en français
Marie-France Lalonde s’indigne tout autant de l’abolition du Commissariat aux services en français, qui va désormais opérer au sein du bureau de l’ombudsman.
«Je trouve que ça dénigre, ça enlève la prestance et le poids du commissaire dans l’enceinte gouvernementale, estime la députée d’Orléans. Aujourd’hui, M. Ford dit qu’on n’est pas important et ça me blesse, ça nous blesse.»
L’ex-ministre redoute que ces décisions ne soient que le début du recul des droits des francophones dans la province. Selon elle, le premier ministre Ford n’a «aucune considération» pour la communauté.
Elle souligne que le commissaire effectue un travail en amont auprès du gouvernement pour s’assurer que les droits des francophones soient respectés dans les projets de loi et la création de programmes. Sous l’ombudsman, Mme Lalonde craint qu’il ne soit confiné qu’à un rôle de traitement des plaintes.
Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, la décision est simplement «inacceptable».
«On va dire à ce bureau-là, qui est anglophone évidemment, qu’il doit ouvrir une antenne francophone. On le sait ce que ça donne quand on prend la gestion de services francophones et qu’on met ça dans une grosse boîte anglophone», prévient Carol Jolin.
Selon l’organisme de défense des droits de la communauté francophone, les coupes du gouvernement progressiste-conservateur vont carrément nuire «à la survie et à l’épanouissement» des Franco-Ontariens.
L’AFO réclame une rencontre d’urgence avec le premier ministre pour plaider la cause des francophones et tenter de convaincre Doug Ford de revenir sur sa décision.
Ottawa en désaccord
Au gouvernement fédéral, la ministre responsable du dossier des langues officielles, Mélanie Joly, a descendu en flammes les décisions annoncées jeudi par le gouvernement de l’Ontario.
«Encore une fois, les conservateurs démontrent leur manque de respect face aux 600 000 Franco-Ontariens et les millions de francophones au pays, ainsi que leur incapacité de protéger le fait français chez nous», a-t-elle dénoncé dans un communiqué transmis par son attaché de presse.
Elle qualifie d’«inacceptable(s)» les mesures dévoilées à Queen’s Park, en présentant Doug Ford comme «l’allié d’Andrew Scheer». Et au passage, la ministre Joly demande au chef conservateur fédéral s’il est prêt à se «tenir debout et défendre les francophones face à M. Ford».
Par ailleurs, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a voulu transmettre un message «d’appui et de solidarité» aux Franco-Ontariens.
Son président Jean Johnson parle d’un «jour noir» et d’une «gifle», en soulignant que cet événement suit de près l’élection au Nouveau-Brunswick de trois députés «d’un parti qui prône ouvertement un recul au niveau des acquis» des francophones.