QUÉBEC — La ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, nuance sa position: elle assume ses propos sur le hidjab comme symbole d’oppression, mais si des femmes choisissent de porter le voile, elle respecte pleinement leur choix.
À peine nommée par le premier ministre mardi, Mme Charest a soulevé un tollé en déclarant que le port du hidjab ne correspondait pas à ses valeurs et que ce n’était pas une façon pour une femme de s’épanouir. L’opposition officielle a qualifié ses propos de «très maladroits».
«Le hidjab n’est pas quelque chose que les femmes devraient porter», avait tranché la ministre, aux côtés du premier ministre François Legault.
«Cela signifie en quelque sorte l’oppression de la femme, le fait qu’elles doivent se couvrir. Ce n’est pas dans mes valeurs», avait-elle dit, lorsque questionnée en anglais.
Mme Charest est revenue sur la question mercredi, à l’entrée de la réunion des élus de son groupe parlementaire. Une femme devrait être libre de porter ce qu’elle veut, a-t-elle nuancé.
«Pour les femmes qui doivent porter, qui se font dicter par la religion si elles doivent porter le voile, pour moi, c’est un signe d’oppression. Maintenant, je sais qu’il y a des femmes qui choisissent de le porter. C’est leur choix et je le respecte pleinement», a déclaré la triple médaillée olympique.
Ces remarques interviennent dans le débat déjà délicat sur la laïcité et le port des signes religieux.
Rappelons que le gouvernement Legault s’est engagé à déposer d’ici quelques semaines un projet de loi qui interdira le port de signes religieux aux représentants de l’État en position d’autorité: juges, policiers, procureurs, gardiens de prison et enseignants.
Mercredi, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Pierre Arcand, a appelé le gouvernement Legault à faire le débat sur les signes religieux de manière «sensée». Selon lui, le Québec a besoin de tolérance et de sérénité.
«Ce sont des sujets qui demandent des réflexions profondes, a-t-il affirmé. Nous, on est pour la liberté de choix.»
Le hidjab est-il un symbole d’oppression? Ça dépend du contexte, a précisé la députée libérale Kathleen Weil. “Ce que je sais des conversations que j’ai eues avec les femmes qui portent le hidjab, c’est que c’est leur choix. Il y a des maris qui disent parfois: « J’aurais peut-être voulu qu’en arrivant au Québec, elle ne le porte pas, mais c’est son choix ».»
Selon elle, Mme Charest a tenu des propos «très maladroits».
Pour sa part, le leader parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a jugé que les commentaires d’Isabelle Charest étaient «divisifs».
«Je pense qu’on s’attend d’une ministre de la Condition féminine, quand elle entre en poste, qu’elle cherche à créer des consensus, qu’elle cherche à rassembler», a-t-il soutenu en mêlée de presse.
D’Ottawa, la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, est également intervenue dans le débat. Elle a rappelé à Mme Charest que les femmes ont le droit de choisir «ce qu’elles font de leurs corps et comment s’habiller».
Sa collègue, la députée Salma Zahid, qui porte le hidjab depuis la perte de ses cheveux causée par une chimiothérapie, a abondé dans le même sens. Selon elle, les femmes ne devraient même pas avoir à expliquer leur décision de porter ou non le voile.