La relance post-coronavirus sera l’occasion pour le Québec de prendre un vrai virage contre la crise climatique, soulignent des organismes écologiques, alors que la 50e édition du Jour de la Terre bat son plein partout dans le monde mercredi. S’il dit d’abord vouloir prioriser la santé de la population, le gouvernement Legault, lui, assure que son plan environnemental n’en sera pas pour autant affecté.
«On est à un moment charnière de notre histoire. Cette crise-là démontre, au-delà de la santé publique, que les gens sont prêts à être solidaires. Ils veulent mettre l’épaule à la roue et écouter un État qui assume un vrai leadership dans la crise climatique», affirme le porte-parole de Greenpeace au Québec, Patrick Bonin.
L’écologiste espère que la crise actuelle aura pour effet de faire réaliser aux élus l’urgence d’investir massivement en environnement. «Le risque, en ce moment, c’est que le gouvernement retourne à ses anciennes habitudes. C’est-à-dire, favoriser le développement économique au détriment de l’environnement», avance-t-il.
«On a une occasion d’injecter massivement des fonds, maintenant, dans la lutte contre les changements climatiques. On ne peut pas se permettre de perdre encore du temps.» -Patrick Bonin, de Greenpeace
Son organisme s’inquiète par ailleurs que le comité de sortie de crise, mis sur pied par les autorités, exclut actuellement le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette. «C’est un très mauvais signal à donner. On doit corriger le tir immédiatement et s’inspirer de ce qui se passe en Finlande, par exemple. Là-bas, les plans de relance viennent avec des critères précis de respect de l’environnement», note M. Bonin.
Crise climatique et croissance infinie
Pour la responsable des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, Louise Hénault-Ethier, la crise du coronavirus marquera un point tournant dans la prise de décisions en environnement.
«Tout ça nous force à se positionner et à s’éveiller sur la sévérité qu’une crise planétaire peut représenter. Bref, à quel point elle peut être dommageable sur la fragilité de nos systèmes sociaux, envisage l’experte. C’est le moment ou jamais de revoir les paradigmes de la croissance infinie, dans un monde aux ressources limitées.»
«La CAQ a d’abord été élue pour ses priorités économiques, comme un chef d’entreprise. Il y aura donc une sérieuse réflexion à faire pour savoir si le même mode de pensée est applicable. Surtout si on considère les coûts majeurs qu’entraîne la crise.» -Louise Hénault-Ethier, de la Fondation David Suzuki
La chercheure en sciences de l’environnement affirme que le Québec gagnerait «énormément» à adopter des mesures écologiques audacieuses. «Ça nous permettra éventuellement de mieux nous prémunir contre d’éventuelles pandémies, et d’autres maux bien plus sévères. La relance doit en témoigner», argue-t-elle.
Québec fera sa part après la pandémie
Joint par Métro, le porte-parole au cabinet du ministre de l’Environnement, Louis-Julien Dufresne, se fait prudent. Il indique que «pour le moment, notre priorité est d’assurer la santé et la sécurité de la population québécoise». Aucune réflexion n’a donc spécifiquement été entamée sur la crise climatique dans le contexte de la relance de l’économie.
Une fois la crise de santé publique passée, toutefois, le gouvernement répondra présent, assure-t-il.
«Nous allons nous assurer que le plan de lutte aux changements climatiques que nous présenterons contribue de façon positive à la relance de l’économie, notamment en appuyant l’électrification des transports et le développement des transports collectifs.» -Louis-Julien Dufresne, au cabinet du ministre Benoit Charrette
À la mi-avril, lorsqu’il avait été questionné sur la place qu’aura l’environnement dans le «nouveau Québec», le premier ministre François Legault s’était aussi prononcé sur la question.
«La responsabilité du gouvernement dans une récession, c’est d’en faire plus que moins, a-t-il dit. Que ça soit en environnement, que ça soit toutes les infrastructures routières, que ça soit le transport en commun, les hôpitaux, c’est le temps d’accélérer. En environnement, les projets qui sont prévus de transport en commun, on va les accélérer. Pas question de retarder quoi que ce soit.»