Regarder un film sur Netflix, suivre des cours virtuellement, écouter de la musique sur Spotify… Ce type d’activités a d’importantes conséquences environnementales. Dans le futur, le Québec devra-t-il limiter l’accès au numérique à sa population pour réduire ses émissions de GES? C’est fort possible, selon deux experts.
Les données numériques, en s’appuyant sur tout un réseau d’infrastructures énergivores (comme des câbles sous-marins), génèrent deux fois plus de GES que le secteur aérien.
Ainsi, les téléchargements de films, les séances Zoom, les films Netflix, les vidéos YouTube ou même Facebook produisent 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2025 pour atteindre 8%, soit l’émission présentement attribuable aux voitures.
Sera-t-il alors nécessaire de limiter l’activité numérique des Québécois?
«C’est une question qu’il va falloir se poser avant 10-15 ans», déclare à Métro Martin Deron, chargé de projet pour Chemins de transition, initiative qui a uni l’Université de Montréal et Espace pour la vie afin de réfléchir aux meilleures façons de faire converger transition écologique et transition numérique.
«On n’aura tout simplement pas le choix, renchérit Olivier Hernandez, directeur du Planétarium – Espace pour la vie. Les chiffres sont déjà colossaux. Plus on attend, plus nos impacts sur les changements climatiques seront faibles, et plus notre futur «souhaitable» s’éloigne de nous.»
Le numérique n’est pas dématérialisé
Selon Martin Deron, la question d’une possible réglementation de l’usage du numérique est d’autant plus importante que la pandémie a servi de point de bascule.
En effet, aujourd’hui, le numérique occupe une «place prépondérante» dans nos vies, dit-il.
«Je crois que le public a gardé l’image d’un numérique très dématérialisé, alors qu’il s’appuie sur des infrastructures mondialisées, comme des serveurs, des satellites ou des centres de données très énergivores.» – Martin Deron, UdeM
Qui plus est, une partie importante de l’impact environnemental des appareils numériques est liée à leur fabrication en amont, rappelle-t-il. Jusqu’à 90% pour un téléphone intelligent, selon les chiffres compilés par Chemins de transition.
Sans compter les «déchets numériques» en fin de vie, qui risquent d’ailleurs de se multiplier de façon exponentielle avec l’avènement de la 5G.
«C’est très inquiétant, ajoute pour sa part M. Hernandez. Avec l’arrivée de la 5G, les gens qui ont des téléphones 4G risquent d’avoir du mal à le faire fonctionner. Alors, ils vont être forcés de changer d’outils numériques.»
Autre problème: le mode de financement des services numériques. Celui-ci, basé majoritairement sur les revenus publicitaires, favorise les contenus qui incitent à une surconsommation.
Des ateliers-citoyens pour réfléchir au futur
Alors comment sensibiliser davantage les citoyens à l’impact de leur consommation numérique? Faudrait-il prioriser un usage collectif des ressources? Quels sont les scénarios numériques possibles pour le Québec en 2040? Doit-on implanter un concept d’utilisateur-payeur?
C’est sur ces questions que des citoyens et des chercheurs se penchent depuis la mi-novembre, à l’invitation d’Espace pour la vie et de l’Université de Montréal. La dernière consultation a d’ailleurs eu lieu mardi soir.
«On constate déjà que les Québécois ont une grande sensibilité à l’équité d’accès dans les mesures. Par exemple, l’imposition d’une taxe ne leur plaît pas car elle creuserait encore plus la fracture numérique.» – Martin Deron, UdeM
Ainsi, parmi les solutions possibles, les 150 citoyens participants voient avant tout un futur dans lequel la sobriété guide les usages numériques.
«Également, ils regardent l’option de mieux partager les ressources numériques, afin de réduire l’empreinte individuelle, indique Olivier Hernandez, directeur du Planétarium. Tout le monde utiliserait ainsi la même quantité de données, et ce serait plus équitable.»