Dans un 5@7 du comité environnement de la faculté de droit de l’UdM. Une pléiade de jeunes manifestement convaincus par la cause, du moins jusqu’au point d’échanger, par Zoom, avec quelques parties prenantes à celle-ci. Je l’ai souvent écrit ici, et dit ailleurs : s’il y a un espoir, ce dernier passe indubitablement par le refus de cette génération d’accepter, confortable laxisme à titre d’excuse, d’être aussi bête que les précédentes, la mienne incluse.
Après mon bref exposé, décousu et approximatif – mon expérience quant à la cause étant anecdotique et alambiquée, dépourvue de structure précise – l’un des étudiants présents ose la question assassine :
-Monsieur, on comprend votre pessimisme, mais ce serait quoi, les solutions, selon vous?
L’interrogation frappe fort, et pour cause. Parce que sans même m’en rendre compte, il est vrai que mon petit laïus se veut, quand on y pense, dénué de l’espoir le plus primaire. Un silence envahit la salle zoom. Je cherche les mots, idéalement les bons. En vain.
-Que l’humain soit moins con…
Heureusement, on rit. Sûrement un peu de malaise, faut croire. Un sentiment de culpabilité, assez puissant d’ailleurs, me prend à la gorge. Pourquoi? Parce que la dernière chose que je souhaite, en participant à événement du type, est de décourager le moins convaincu des interlocuteurs. Force est de constater, cela dit, que je me rends précisément coupable d’une telle infraction, incapable, encore une fois, de fermer ma gueule ou d’embellir ma perception de la réalité, de la rendre davantage digeste.
L’étudiant, incorrigible optimiste, reprend la balle au bond:
-Vous ne croyez pas que la pandémie peut avoir, au final, des effets bénéfiques sur nos comportements?
Damn. Dilemme. Je mens ou suis honnête?
-Franchement, je le souhaite bien entendu, mais j’en doute fort. Ce qui peut être modifié post-pandémie, à mon avis, le sera pour des raisons de commodités ou de confort personnel. Le télé-travail, par exemple. Genre s’éviter des heures de trafic en idiot. Mais pas, je le crains, pour des motifs moraux ou métaphysiques visant à assurer la survie de l’humanité, non. Les preuves scientifiques pullulent déjà, sont tapissées partout. Or, pendant que nos médias s’interrogent à savoir qui contrôle Greta et quelle est l’empreinte carbone de son séjour en Amérique, Bolsonaro fout le feu à l’Amazonie sans conséquence aucune, Trudeau achète des pipelines, on vote massivement pour une CAQ qui refuse d’inscrire le mot « environnement » à son programme électoral, et ainsi va la vie qui va. Or, le point de bascule, c’est-à-dire celui de non-retour, est imminent, et je vois mal comment tolérer les GNL de ce monde ne nous précipite pas davantage, et à plus forte vitesse, à même le précipice, justement. Autre problème : l’affaire n’est pas que québécoise, mais bien mondiale. Tant et aussi longtemps qu’il sera impossible pour la communauté internationale d’intervenir auprès du facho brésilien, lequel brûle partie du 30% de l’oxygène disponible sur Terre, impossible d’être optimiste.
Un nouveau silence, stoppé par une dernière question du jeune opiniâtre :
-Il n’y aurait donc rien à faire?
-La seule chose que je peux voir est que l’on inverse le paradigme: jamais une élection ne s’est remportée sur fond de promesse environnementale. Parce que les sacrifices sont inévitables et, par la force des choses, la population votera non pas pour un bourreau éclairé, mais bien pour l’aveugle volontaire. En d’autres termes, le jour où les politiciens verront le gain électoral massif en promettant des mesures sérieuses, peut-être aurons-nous une chance. Parce que même si, du jour au lendemain, une tonne de citoyens se mettaient au Bixi ou au compost, le bilan risque d’être déficitaire. Des normes sont non seulement nécessaires, mais impératives. Genre maintenant.
Devant le caractère pantagruesque de la tâche, un néo-silence s’impose, cette fois mortifère. Comment on dit, déjà? Ah oui : ma gueule.