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François Legault connaît des juges 

CHRONIQUE – Un désastre sur le point d’arriver, diraient les Anglos. Il s’est, en fait, déjà pointé le visage. La suite – si la tendance se maintient – suivra incessamment. 

Le début de la catastrophe? La nomination de Simon Jolin-Barrette à la Justice, remplaçant (la pourtant compétente) Sonia LeBel. Malgré un épouvantable bilan à l’Immigration (absurde test des valeurs, 18 000 dossiers foutus illégalement à la déchiqueteuse, le fiasco du PEQ abîmant la réputation internationale du Québec), l’ambitieux allait néanmoins convaincre, à coups d’ego, le bureau de Legault d’enfin lui accorder les clefs du ministère-chéri. 

Mal nous en prit. 

Parce que nul besoin de la tête à Papineau afin de se convaincre qu’un juriste junior, sans expérience de pratique et à la propension aux conflits à tout crin, cadrait assez mal, sinon pas du tout, avec les exigences requises. 

Sans surprise, on devait ainsi assister, sans tarder, au désolant spectacle anticipé: dans un refus de collaboration jusqu’alors iconoclaste, le ministre impétueux allait réussir à faire se braquer une portion appréciable du pouvoir judiciaire, Barreau du Québec en bonus. Parce qu’au-delà des manchettes entourant le torchon calciné de sa relation avec la névralgique juge en chef de la Cour du Québec, d’autres histoires, également symptomatiques d’un style de gestion aux antipodes du respect de la séparation des pouvoirs, circulent en masse. Leur point culminant? La décision de la Cour supérieure, du printemps dernier, concluant aux agissements illégaux du ministre quant à un récent processus de nomination.  

En filigrane de ladite décision, et soucieuse de réitérer la garantie fondamentale de l’indépendance de l’institution dont elle est garante, la juge en chef Rondeau allait répliquer, manu militari, aux manœuvres de Jolin-Barrette: le nombre de jours d’audience où auront à siéger ses juges sera réduit d’environ 15%, histoire de laisser davantage de temps à la rédaction de leurs jugements. Parfaitement acceptable et légitime, si vous souhaitez mon avis, le rythme imposé aux magistrats, peu assez nombreux, étant quasi délirant. 

Le constat, en fait, est aussi facile que troublant: dixit l’honorable Rondeau, un minimum de 41 juges est requis ipso facto, histoire d’éviter la débâcle. La somme requise? 24 millions. Une poignée de change. Genre 400 fois moins qu’un troisième lien ayant pour effet d’amplifier le trafic. Genre 400 fois moins que le milliard d’augmentation obtenu par les médecins spécialistes, entente que le gouvernement Legault avait pourtant promis de déchirer sans délai. Genre 300 fois moins que les deux chèques-bonbons-électoraux envoyés en 2022. 

Et comme un mal survient rarement en solo: l’insuffisance criante de greffières ou constables spéciaux, partis bosser vers d’autres cieux plus lucratifs, accentue les traits d’une crise, déjà épique, dans laquelle la Justice est plongée depuis l’ère Jolin-Barrette. 


Des chiffres? Jusqu’à 64 000 dossiers pourraient cette année, à la seule Cour du Québec, faire les frais éventuels d’un arrêt de procédures. Des dossiers autorisés, par définition, par le DPCP, donc aux chances rationnelles de succès.

Seulement lundi dernier, au palais de justice de Montréal, dix salles d’audience en Chambre criminelle ont dû demeurer fermées, faute de personnel. Parmi les causes reportées et ainsi à risque, le plus important procès de l’histoire du Québec pour un pédophile. 

Jamais en reste en matière d’ironie, le premier ministre Legault, dans une entrevue accordée le même jour, expliquait avoir parlé à des juges «qu’il connaît», et que ceux-ci sont «gênés de la situation créée par la mauvaise décision de la juge en chef Lucie Rouleau [sic]».

Confiant, il poursuit: «J’ai l’impression qu’il va y avoir une pression des juges sur la juge Rouleau [re-sic] pour dire: voyons donc, ça n’a pas de bon sens, ce qu’on fait en ce moment, on va se faire haïr par la population québécoise.»

Attaquer publiquement, prise 23456, une juge en chef.

Lui refuser les ressources minimales et légitimes à la bonne marche de la Justice. 

Intervenir inconstitutionnellement auprès de juges-connaissances. 


Se vanter de violer, à l’instar de son ministre, la garantie d’indépendance institutionnelle. 

En être fier.

Continuons. 

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