Samedi matin, sur la page Facebook d’un sympathique ami, lequel s’amuse à débusquer du conspirationniste temps plein, on y voit une autre vidéo d’une manif en marche. D’ordinaire, j’évite ce genre de bêtise ambiante ayant pratiquement siphonné l’espoir (encore disponible) pour ce qui est de confiance dans le tissu sociétal. Sauf que me voilà un brin curieux : les mesures sanitaires étant essentiellement choses passées, quels sont les mobiles justifiant, un beau jour de juillet, une nouvelle parade de dégénérés? J’ouvre.
On y voit, probablement ce qui semble être la prison de Bordeaux, un cortège de militants convaincus, scandant de façon assumée, et en cœur :
– LI-BÉ-REZ MA-RIO ROY!!
– LI-BÉ-REZ MA-RIO ROY!!
Oh putain!, me dis-je, j’ai jugé trop vite. Il s’est, dans le royaume de la politico-platitude québécoise, enfin passé un truc. Chic, un prisonnier politique!
Un instant, un instant… libérez qui ou quoi, déjà?
Mario Roy.
Et j’ai imaginé, l’espace d’un moment, une famille de néo-québécois, idéalement réfugiée, tombant sur cette même vidéo.
– Et il a fait quoi, papa, le monsieur, pour être emprisonné injustement? Pourquoi les gens réclament sa libération? Il défendait quelle cause?
– Aucune idée, mais ça doit être grave. Ici, au Québec, nous vivons dans un État de droit, ma chérie.
– Et c’est quoi, un État de droit?
– Plusieurs choses, mais notamment le fait que tous sont égaux devant la Loi, que les gens peuvent exprimer leurs opinions politiques librement sans être arrêtés et emprisonnés, justement. Que pour se faire, l’État doit déposer des preuves sérieuses devant un tribunal indépendant et impartial.
– Donc ça voudrait dire que le Québec n’a pas agi correctement avec Mario Roy? C’est pour ça que tous ces gens crient dans la rue avec un manteau en cuir?
– Oui, je ne vois pas d’autres options. S’il était coupable, les gens ne l’appuieraient pas.
– Papa, qu’est-ce qui est écrit, sur leur manteau en cuir?
– Euh….
– Fuck you ??
– Euh… oui.
– Et il le font à qui, le fuck you, papa? Et c’est quoi, un farfadaaa?
– …
– Attends, j’ai trouvé! Mario Roy est accusé d’avoir bloqué le tunnel Louis-Hyppolyte-Lafontaine après une manifestation contre les mesures sanitaires, le 13 mars dernier. Il est ainsi accusé de complot et de méfaits de plus de 5 000$. Mario Roy était l’un des leaders du groupe d’extrême-droite la Meute, ayant fait des réfugiés ses principaux boucs émissaires. Il attend aussi sa sanction après avoir été reconnu coupable d’outrage au tribunal, et fera bientôt face à la justice pour harcèlement et intimidation envers une avocate du syndic du Barreau du Québec.
– ….
– Je continue : il a également posé illégalement des gestes réservés aux avocats à plusieurs reprises, notamment celui d’émettre des opinions juridiques. Il affirmait récemment vouloir déposer des poursuites criminelles contre Horacio Arruda et François Legault pour encouragement au génocide et haute trahison, et il soutient que les autorités souhaitent le faire taire parce qu’il dénonce un réseau d’enlèvement d’enfants organisé par la DPJ.
– ….
– Papa, pourquoi tous ces gens marchent dans la rue pour le faire libérer, dis-moi?
– La magie des réseaux sociaux, ma chérie.
– Mais il y avait aussi des fous avant, non?
– Oui, mais ils ne pouvaient pas nous en faire la preuve par des Facebook live.
– Ni convaincre d’autres fous que ce ne sont pas eux, les vrais fous, c’est ça?
– Parfaitement, oui. Ce qui fait qu’au final, j’ai presque du respect pour Raël et autres gourous de l’époque. Construire une secte sans médias sociaux, ça devait être de la job, quand même.
– Mais papa, pourquoi ces gens ne s’intéressent pas plutôt aux vrais enjeux des libertés civiles? Y en a ici aussi, non? Le racisme systémique à l’égard des Autochtones, par exemple. Pourquoi ne pas mettre leurs énergies là-dessus?
– Parce que ça ne leur serait pas payant, tant en matière de virements Paypal qu’en ce qui concerne le culte de la personnalité.
– Dans le sens où ils seraient obligés de s’effacer derrière la cause? Et qu’ils ne feraient pas de sous?
– En plein ça, ma chérie. Bon allez, dodo maintenant!
– D’accord… Mais papa?
– Quoi?
– Tu peux me relire l’histoire de Nelson Mandela, stp?