Avec la flambée des cas de COVID-19, les organismes d’aide en itinérance craignent que le couvre-feu imposé soit encore plus difficile à encaisser qu’en 2021. Cela s’explique par une hausse potentielle du nombre d’individus en difficulté, et par la rareté du personnel aidant.
Le variant Omicron, plus contagieux, fait sa place parmi les équipes des organismes. Certains doivent composer avec des équipes dans lesquelles trois membres sur quatre sont infectés, constate le coordonnateur du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ), Boromir Vallée Dore.
«En plus de la pression que vient mettre Omicron sur nos équipes, on doit composer avec le couvre-feu, qui mène les autorités à reconduire plus de personnes en situation d’itinérance vers nos ressources», explique-t-il.
Il y a plusieurs drapeaux rouges à l’horizon. On l’a vu quand les chèques de PCU ont été retirés, l’aide sociale a explosé, les demandes en banque alimentaire aussi. Plusieurs choses nous laissent craindre que plus de gens se retrouveront à la rue.
Boromir Vallée Dore, coordonnateur du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ)
Le profil des personnes faisant appel aux ressources d’aide change. On trouve des personnes qui ont perdu récemment leur emploi ou désormais incapables de payer leur loyer. «On voit des gens que l’on n’aurait jamais vus auparavant, constate la directrice générale de la Mission St-Michael, Chantal Laferrière. Parmi ma clientèle, j’ai maintenant une famille de neuf personnes. Ce n’est vraiment pas une situation normale.»
Situation de crise
Au quotidien, l’Auberge Madeleine, réservée aux femmes en situation d’itinérance, doit refuser l’accès à des personnes dans le besoin. À bout de ressources, l’organisme s’est adressé directement à la mairesse de Montréal, Valérie Plante, sur les réseaux sociaux.
«La situation est intenable, lance la directrice générale de l’Auberge, Mélanie Walsh, en entrevue avec Métro. Il manquait déjà de ressources dédiées aux femmes et là, avec les variants, plusieurs ressources doivent limiter leur capacité d’accueil.»
L’Auberge accueille des résidentes pour une durée maximale de quatre à huit semaines. À l’issue de ce séjour, certaines femmes seront forcées de se retrouver dans des haltes-chaleur, où elles dormiront parfois assises sur des chaises en plastique. Dans d’autres cas, elles se retrouvent à la rue. Parfois, les seules ressources d’hébergement qu’elles trouveront seront mixtes. Des femmes ayant été victimes de violence par des hommes dès l’enfance seront forcées de se retrouver dans des interactions difficiles avec des hommes.
«Ce sont des femmes écorchées, se désole Mme Walsh. Elles ont vécu un trauma important et craignent pour leur sécurité. Elles n’ont pas envie d’être sollicitées par d’autres résidents.»
Manque de bras
En plus du manque de lits, les organismes doivent composer avec un important manque d’effectifs. Les employés des ressources en itinérance ne disposent pas d’un accès privilégié aux tests de dépistage PCR comme les travailleurs de la santé ni à des tests rapides. Donc, lorsqu’ils éprouvent des symptômes, ils se trouvent à être isolés pendant plusieurs jours, en attente d’un diagnostic.
«J’ai deux employés en attente alors qu’on frôle un bris de service, s’inquiète Mme Walsh. C’est une situation très fâchante, déjà que pendant les Fêtes, on était à bout de bras.»
Malgré cela, elle s’oppose à ce que ses employés infectés mais asymptomatiques continuent de travailler, comme le font les travailleurs de la santé, puisque sa clientèle «est trop à risque». La directrice générale de la Mission St-Michael abonde dans le même sens. Certains organismes souhaitent toutefois pouvoir agir de la sorte. Ceux-ci sont entrés en contact avec leur direction de santé publique locale, qui autorisera ou non cette pratique au cours des prochains jours.
Demandes spéciales
Les ressources demandent donc au gouvernement d’offrir à leurs employés un accès facilité aux centres de dépistage de même qu’aux tests rapides. De plus, on souhaite que la police réduise ses interventions auprès des personnes en situation d’itinérance.
Comme ces individus craignent les agents, ils s’isolent et réduisent leurs déplacements, ce qui peut être néfaste. Par exemple, les individus qui souffrent de dépendance aux drogues ressentent parfois de l’inquiétude devant la possibilité d’être interceptés en possession de substances, au point d’arrêter de fréquenter les centres d’injection supervisée.
La circulation des intervenants doit aussi être facilitée, estime-t-on. Même si elle est permise, nombre d’entre eux sont interceptés par la police, et se retrouvent à devoir justifier leur sortie. Finalement, plus de ressources doivent être ouvertes pour permettre aux personnes en situation d’itinérance de se réchauffer, ou simplement d’aller à la salle de bain.