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Une «invasion» d’Haïti se prépare, affirme un documentaire

À la fin d’un documentaire intitulé Le pillage d’un peuple publié sur sa chaîne YouTube, le média 7 jours sur Terre, qui s’intéresse principalement à l’actualité internationale, affirme qu’une invasion d’Haïti se prépare. Pendant environ une heure, l’auteur de la vidéo, Benjamin Tremblay, fait un survol historique du pays, de la colonisation à aujourd’hui, avant de présenter cette thèse.

«Ce qui se prépare, c’est une nouvelle invasion d’Haïti, non pas pour défendre les intérêts des Haïtiens mais bien pour défendre les intérêts stratégiques, économiques et géopolitiques de l’Occident», lance M. Tremblay, un ancien de la radio étudiante de l’Université Laval devenu documentariste web.

C’est pourtant le gouvernement haïtien lui-même, dirigé par le Dr Ariel Henry depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, qui a fait une demande officielle d’envoi d’une force armée au pays.

«Au nom du Gouvernement que j’ai l’honneur de diriger et au nom du peuple haïtien, j’en appelle à la solidarité agissante des pays amis d’Haïti qui ont la capacité de déployer sans délai une force spécialisée armée internationale…», écrivait le Dr Henry le 9 octobre dernier, dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

Invasion ou intervention?

Le débat intéresse la communauté haïtienne. La journaliste québécoise d’origine haïtienne Mélissa François a attiré l’attention de ses fans sur la question sur son fil Twitter.

La vidéo complète a été vue plus de 300 000 fois

«La question n’est pas de savoir si M. Henry a produit une demande, estime pour sa part le professeur de science politique à l’Université de Moncton Roromme Chantal. Elle est plutôt de savoir s’il a les provisions légales et la légitimité politique pour faire cette demande? Et la réponse est non.»

La Constitution haïtienne exige qu’un premier ministre bénéficie de l’aval du parlement haïtien avant d’exercer le pouvoir exécutif, une étape qui n’a pas été franchie par l’actuel gouvernement. Or, sans élections depuis 2016, le pays est sans le moindre élu, notamment depuis lundi dernier.

Si le déploiement d’une force armée étrangère se faisait dans les conditions politiques actuelles, ce serait une invasion.

Roromme Chantal, professeur de science politique à l’Université de Moncton, d’origine haïtienne

«Dans la communauté haïtienne de Montréal, beaucoup disent que la seule façon de régler la question de sécurité, c’est une invasion», rapporte pour sa part l’ancien professeur de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Jean-Claude Icart, d’origine haïtienne.

Mais selon lui, «cette situation d’insécurité, on a l’impression qu’elle est entretenue par la communauté internationale». Le but serait, toujours d’après l’ancien professeur, «d’acculer le peuple à accepter ce qu’il ne voudrait pas, c’est-à-dire des élections sous la gouverne d’Ariel Henry, essayer de donner un vernis de légalité à l’occupation qui existe aujourd’hui par gangs interposés.»

Trudeau résiste aux Américains

La communauté internationale peine par ailleurs à réunir la force armée en question. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken est même venu à Ottawa pour convaincre le premier ministre Justin Trudeau de prendre la tête de cette mission. Cette semaine, en rencontre bilatérale, le président américain Joe Biden a soulevé le sujet avec M. Trudeau. Jusqu’à présent, ce dernier tient toujours tête aux États-Unis et rétorque qu’il faut éviter les erreurs du passé en Haïti.

«Toutes les interventions étrangères au cours des dernières décennies n’ont pas pu prévenir qu’on en arrive à cette situation déplorable actuellement, dit-il. Nous nous devons d’avoir une approche différente et l’approche que le Canada est en train de prendre en travaillant avec d’autres, c’est de mettre des sanctions extrêmement fortes sur les élites haïtiennes qui financent la violence.»

Le premier ministre canadien précise toutefois qu’il n’est pas dupe. La situation en Haïti est volatile, affirme M. Trudeau, qui dit se préparer à toute éventualité. «Nous savons tous qu’il y a toujours une possibilité que ça s’améliore, mais aussi que cela dégringole, que la situation empire. À ce chapitre, nous sommes en train de discuter avec nos partenaires des Caraïbes et des États-Unis sur quel genre de scénario, quel genre d’intervention pourrait un jour être nécessaire», dit-il.

Le Canada exige qu’il y ait, de prime abord, en Haïti, une acceptabilité sociale et politique de la mission, autrement dit un accord politique entre les parties globalement satisfaisant, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

À la fin de 2022, Ottawa avait dépêché une mission d’experts canadiens à Port-au-Prince afin d’étudier la question. L’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, a également effectué au moins trois visites en Haïti, afin de convaincre les groupes politiques de signer un accord global préalable à une intervention armée.

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