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Trudeau vers la Cour suprême: Legault parle d’«attaque frontale»

Justin Trudeau en entrevue à La Presse estime qu’il faut encadrer davantage l’emploi de la disposition de dérogation par les gouvernements comme ceux du Québec et de l’Ontario.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a vivement réagi sur Twitter aux propos de Justin Trudeau dans La Presse. Celui-ci estime qu’il faut encadrer davantage l’emploi de la disposition de dérogation par les gouvernements comme ceux du Québec et de l’Ontario, deux provinces qui l’ont utilisée aux cours des dernières années au Canada. M. Legault n’a pas tardé à réagir sur son compte Twitter qualifiant les déclaration du premier ministre canadien «d’attaque frontale» contre le droit du Québec de se protéger.

 

Et le premier ministre du québec d’ajouter pour finir son Tweet en quatre parties que «C’est à l’Assemblée nationale de décider des lois qui nous gouvernent en tant que nation. Le Québec n’acceptera jamais un affaiblissement pareil de ses droits. Jamais!»

Dans cette entrevue au quotidien montréalais M. Trudeau dit envisager d’aller jusqu’en Cour suprême avec cette délicate question. La clause dérogatoire a été utilisée par François Legault au moins deux fois: soit lors de l’adoption de la loi 21 sur la laïcité de l’État et lorsqu’il a adopté la loi 96, qui vise à moderniser la Charte de la langue française et décrète que la seule langue officielle du Québec est le français.

Justin Trudeau affirme lors de cette entrevue que son ministre de la Justice David Lametti, «ancien doyen de la faculté de droit de l’Université McGill, un fier Québécois», réfléchit actuellement à l’idée de porter l’affaire en Cour suprême.

 L’idée d’avoir une charte des droits et libertés, c’est pour nous protéger contre la tyrannie de la majorité.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« On est en train de banaliser la suspension des droits fondamentaux. C’est cela qui me préoccupe, ajoute-il, Il devrait avoir une conséquence politique à la suite d’une telle décision. Mais on est en train de vivre une certaine banalisation de cette suspension des droits. Et quand tu combines cela à la montée du populisme un peu partout dans le monde, on voit qu’il y a des préoccupations sur ce qui pourrait être fait.»

L’utilisation faite actuellement par les gouvernements qui invoquent la disposition de dérogation tranche, par exemple, avec  celle qu’en avait faite Robert Bourassa dans la loi 178, en 1988. Son gouvernement l’avait utilisée au contraire pour protéger la disposition de la Charte de la langue française qui empêchait l’affichage extérieur dans une autre langue que le français après que la Cour suprême eut déclaré celle-ci inconstitutionnelle.

Son père l’a fait en 1982

« Il y a bien des gens qui veulent faire passer cela comme une lutte entre le gouvernement fédéral et les provinces, ou encore la gauche contre la droite. Ce n’est pas de cela qu’il est question »,  indique Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« La clause dérogatoire, ce qu’elle permet de faire quand un gouvernement provincial [l’utilise] – et même un gouvernement fédéral pourrait l’utiliser –, c’est de mettre de côté les droits fondamentaux des citoyens comme la liberté d’expression, la liberté de conscience, et tout cela, parce qu’on veut adopter un projet de loi qui va à l’encontre de ces droits fondamentaux .

Justin Trudeau

Il a reconnu toutefois qu’il peut bien arriver des « situations extrêmes » où un gouvernement ne pourrait faire autrement que de l’invoquer, sans toutefois préciser les circonstances qui le justifierait. Il a aussi reconnu que sans l’inclusion de cette disposition dans la Constitution – une requête des premiers ministres des provinces de l’Ouest –, son père, l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, n’aurait pu rapatrier la Constitution en 1982.

Aujourd’hui Justin Trudeau estime que la clause dérogatoire doit demeurer « une mesure de dernier recours », et qu’aucun gouvernement ne devrait l’utiliser d’une manière à empêcher les tribunaux de se prononcer.

« L’idée d’avoir une charte des droits et libertés, c’est pour nous protéger contre la tyrannie de la majorité, on a perdu de vue l’essentiel dans ce débat », a-t-il déploré.

Un renvoi à la Cour suprême ?

Le gouvernement fédéral peut soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada afin d’obtenir son éclairage sur des questions de nature juridique. L’ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien l’avait fait en 1997 au sujet de la sécession éventuelle du Québec. Cette démarche a été entreprise après la tenue du référendum de 1995 dans la province qui a résulté d’une  courte victoire du camp du Non. Le gouvernement Chrétien s’était servi des réponses de la Cour suprême pour rédiger et adopter la Loi sur la clarté référendaire en 2000.

L’ancien gouvernement libéral de Paul Martin a aussi soumis un renvoi à la Cour suprême avant d’adopter le projet de loi reconnaissant les mariages entre personnes de même sexe en juin 2005.

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