National

La job d’été

C’est ma nouvelle amie Catherine – la sixième du même nom – qui me racontait ce qu’elle avait vu l’autre soir au Festival de jazz. À chaque entrée, on avait posté des jeunes préposés qui avaient pour tâche de nous accueillir avec un beau sourire large comme le fleuve. Et aussi, faut c’qu’y faut, de vérifier sommairement le contenu des sacs des festivaliers. Voyez-vous là un problème? C’est ce que je me disais, moi non plus. Sauf pour un couple dans la soixantaine.

Quand une jeune fille a poliment demandé au monsieur du joyeux duo d’ouvrir son sac, la réplique est venue d’un coup sec : «Mais pour qui vous prenez-vous? Est-ce que j’ai l’air d’un terroriste? Vous croyez-vous dans un régime totalitaire?» La fille, un peu dépassée, a comme pogné son air devant ce grand génie. Peu importe, elle a quand même inspecté le contenu du sac. Et, bien sûr, il n’y avait rien de compromettant dedans. Monsieur le tata, tout content, semblait bien fier d’avoir tapé sur le messager. Facile, quand on devine qu’un messager de cet âge en est probablement à son premier emploi et qu’il n’osera jamais se défendre d’égal à égal…

Ça m’a rappelé ma première job d’étudiant. Code vestimentaire oblige, j’avais dû explorer le fond de la garde-robe de mon père pour en ressortir avec une cravate large comme un skate-board. J’allais passer l’été de mes 16 ans dans un centre informatique qui ressemblait davantage à une base de missiles secrète. Pour moi qui ne connaissais rien aux ordinateurs, c’était pour le moins impressionnant (lire terrorisant).

En entrant dans la salle des opérations, j’avais été reçu par une face à claque de première qui m’avait fait asseoir dans le coin tout en me laissant à lire une brique épaisse comme deux bottins téléphoniques. La consigne était simple : «You read it all and tomorrow, I will let you know if you can work in my team». Le bad-trip… On m’avait depuis toujours raconté que ce n’était pas toujours facile de gagner sa vie, mais jamais je n’aurais cru qu’il fallait aussi se faire écœurer de la sorte. En rentrant à la maison le soir, je voulais mourir à la simple idée d’y retourner le lendemain. Mais bon, fallait bien…

Au fil des jours, j’avais fini par comprendre que le «ti-boss» en question n’était pas un ti-boss, qu’il était le niaiseux officiel de la place et que tout le monde le méprisait sans retenue. Sauf qu’il avait joui d’un rare moment de bonheur en faisant un trip de pouvoir sur un p’tit nouveau facile à impressionner. Après tout ce temps, je me rappelle l’illustre John Lustig, mon compagnon du premier jour au travail. Et le remercie encore pour la belle leçon. Sale con.

•••

Bilan de mi-Festival de jazz. Ça a commencé par Patrick Watson au Gesù mardi passé. Et c’était génial. La barre était placée haut pour la suite. Mais pas assez pour Holly Cole au TNM vendredi. Là, on a touché au ciel. Le lendemain en plein air, Jordan Officer et sa guitare ont mis le feu au centre-ville. Gros party. Plus tard à l’Astral, Bill Frisell, un autre homme-guitare qui se réinvente sans cesse, est venu nous chercher exactement là où ça touche le plus. Et dimanche, Boz Scaggs – le «chanteur-et-demi» – a livré une perfo de haut niveau à la PDA. C’est son habitude. On ajoute à tout ça les impressionnantes performances des Barr Brothers et du groupe Le Matos et oui, je l’affirme, j’ai vécu un méchant bon début de Festival. Faut que je vous quitte, y a Elizabeth Shepherd et Woodkid qui m’attendent!

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

Articles récents du même sujet

Exit mobile version