Dans la vie, il y a de ces choses qui ne changent pas. Prenez le baseball. Malgré tout ce qui s’est passé sur la planète depuis 150 ans, c’est toujours grosso modo le même truc qui se joue sur le terrain. Encore plus troublant, c’est aussi ce qui se passe dans le territoire des balles fausses qui demeure mystérieusement identique. Ou presque.
Samedi matin, je me suis arrêté au parc Liébert, dans l’est de la ville. Faisait un bout que je n’y étais pas allé. La dernière fois, j’avais barré mon bicycle à poignées mustang après la clôture du champ gauche. Dans les estrades, c’était comme si rien n’avait bougé malgré tout ce temps. Il y avait la gueularde qui criait «garde ton œil dessus» aux deux minutes. Plus loin, un papa gavait son catcher de fiston de judicieux conseils et lui ordonnait de «faire son combatif». Le pauvre ti-cul regardait partout sauf en direction de son aviseur personnel. Sur le bord du backstop, deux gros monsieurs couvaient généreusement leurs chaises de jardin. L’un crachait ses écales de graines de tournesol comme un canon à confettis et l’autre faisait des jokes sur la femme de l’arbitre. L’officiel, quand il en a eu plein le casse, lui a finalement révélé son célibat. Au parc, tout était pareil comme avant. Immuable et irremplacé.
Ne manquait que le snack-bar, qui était jadis exploité par Hercule Héon, une légende du coin. Pour gagner son pain – faut dire qu’il devait en manger beaucoup –, Hercule faisait des tours de force. Il était capable de courir avec des poches de patates sur le dos, de déchirer des annuaires téléphoniques et, quand on en avait les moyens, il pouvait même plier des pièces de
25 sous sur demande. Un soir, en «attraction spéciale» entre la 5e et la 6e manche, il avait brisé à grands coups de masse une grosse roche déposée sur le ventre de sa fille Carole, qui était allongée sur le monticule. «Une autre digne représentante de cette famille d’hommes forts!» s’était exclamé l’annonceur maison des Expos de Ville-Marie après la réussite – plus compliquée que prévu – de l’exploit… Certains avaient ri très fort, et Hercule n’avait pas du tout apprécié.
Aucune trace non plus dudit annonceur samedi dernier. Ça, ça m’a étonné. J’aurais pourtant gagé ma chemise qu’il y serait encore. Lui qui aimait tant s’impliquer auprès des enfants. Mais alors là, t-e-l-l-e-m-e-n-t dévoué pour la cause des jeunes. Des jeunes garçons, s’entend. Célibataire autrement désœuvré, il était toujours prêt à donner du sien pour les p’tits gars du coin. Toujours impeccable, veste de Fortrel bleue, pantalon et souliers blancs, c’est à lui que revenait la tâche de rétribuer les enfants qui récupéraient les balles perdues. Certains recevaient parfois davantage que les autres pour leurs services. On se demande encore pourquoi…
Pour le reste, au parc Liébert, tout était pareil. Ou presque. Avant de quitter, j’ai entendu la gueularde hurler un ultime encouragement : «Anwèye Steven, batte-z-y ça entre les deux jambes..!» Suis passé près de la clôture du champ gauche, mon bicycle n’y était plus.
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Voici, en fleurs et en pots, mon dernier coup d’œil sur le Festival de jazz 2013.
Des fleurs à Julie Lamontagne (admirable et adorable), à Lyle Lovett (majeur) et à JD McPherson (époustouflant).
Et maintenant, un pot, mais un gros : She & Him. Une balloune vide dans toute sa splendeur. Dites donc, Zooey Deschanel, pour qui elle se prend, la madame? Allez, Zooey, zou, dégage. Et n’oublie pas d’aller te faire éduquer.
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Bonnes pensées pour la population de Lac-Mégantic. Vous vivez l’horreur.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.