Irrité par de récentes décisions du Conseil de presse, Quebecor a claqué la porte du tribunal d’honneur chargé d’assurer la liberté de presse et le droit du public à une information de qualité.
Mercredi, l’entreprise de presse a fait parvenir un avis au Conseil quelque 24 heures avant de se retirer. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’organisme, et dont Métro a obtenu copie, le vice-président, journaux régionaux de la Corporation Sun Media, Charles Michaud, a fait connaître le mécontentement de Quebecor.
«Au cours des dernières années, notre insatisfaction s’est accumulée. Notre tolérance a atteint ses limites lors des décisions rendues publiques par le Conseil de presse depuis le début du mois de mai impliquant [nos] journaux. Celles-ci ont confirmé la faiblesse des motifs justifiant les décisions, leur caractère arbitraire et leur absence de rigueur», a-t-il soutenu.
Le Conseil de presse a rendu trois décisions défavorables envers le Journal de Québec et le Journal de Montréal. Le quotidien de la Capitale nationale a été blâmé pour «manque d’équilibre et généralisation dans le traitement d’une série d’articles relatant des abus dans les dépenses de la fonction publique» et pour avoir publié une photo sans avoir obtenu le consentement de ses sujets.
Le Journal de Montréal a pour sa part été critiqué pour avoir publié des «articles partisans en faveur de la corporation minière, qui faisaient montre de sensationnalisme et omettaient des faits importants», dans le dossier de l’implantation d’une mine aurifère à Malartic.
Ces décisions auraient piqué au vif Quebecor, qui menace d’ignorer les jugements du Conseil de presse et même de le poursuivre.
«Nous ne reconnaîtrons plus aucune juridiction du Conseil de presse pour traiter de nouvelles plaintes à partir du 1er juillet, a écrit Charles Michaud. Dans le cas où le Conseil traiterait néanmoins de telles plaintes contrairement à notre opposition, soyez avisé que les journaux de Quebecor le tiendront responsable de tous dommages et préjudices subis par ceux-ci.»
Il a été impossible d’en apprendre davantage sur la décision de Quebecor. Serge Sasseville, vice-président aux affaires corporatives et institutionnelles chez Quebecor, a indiqué qu’aucune entrevue ne serait accordée sur le sujet.
Le Conseil de presse se réunit d’urgence mardi afin de discuter de la situation. Son président, John Gomery, a déclaré ne pas vouloir commenter la décision de Quebecor avant cette date.
Le président de la FPJQ dénonce le départ
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Brian Myles, a vivement déploré le départ de Quebecor du Conseil de presse.
«Le départ de Quebecor signifie que 40 % de l’information au Québec va être produite par un groupe qui n’adhère à aucune règle éthique et déontologique, a-t-il expliqué. En se retirant du Conseil de presse, Quebecor laisse entendre qu’il veut un modèle de presse où il n’y a aucune imputabilité, aucun compte à rendre si ce n’est que des poursuites devant les tribunaux quand il s’agit d’atteintes majeures.»
Après le départ, l’année dernière, des membres de l’Association québécoise des télédiffuseurs et radiodiffuseurs (AQTR), le Conseil de presse se trouve aujourd’hui ébranlé. Brian Myles continue toutefois de croire qu’il s’agit du meilleur organe pour assurer une autorégulation du milieu journalistique.
«Le Conseil de presse n’est peut-être pas parfait, mais il permet aux médias d’être ramenés à une certaine rigueur, a-t-il soutenu. La FPJQ souhaite que toutes les entreprises de presse au Québec adhèrent au Conseil et reconnaissent que l’exercice du journalisme vient avec une responsabilité.»