Il aurait pu être votre voisin. En fait, il est peut-être votre voisin. Je parle du gars qui s’est fait arrêter la semaine dernière après avoir souhaité sur Facebook qu’un AK-47 puisse entrer à l’Assemblée nationale pour régler le débat entourant la charte de la laïcité.
Ne comptez pas sur moi pour tracer le portrait-robot de l’individu. Ce que l’on sait, c’est qu’il est âgé de 58 ans – ça arrive dans les meilleures familles – et que c’est un bon garçon. Ça, c’est son épouse qui l’a spécifié à l’issue de la comparution du monsieur au palais de justice. En prenant bien soin d’ajouter, histoire d’étoffer ses dires, qu’il allait à l’église et qu’il faisait du bénévolat en santé mentale (!) à l’hôpital St.Mary’s. Du bien bon monde, pas de doute là-dessus.
Alors, quelle mouche a piqué le monsieur pour qu’il prenne la peine de communiquer un scénario aussi violent sur un espace public aussi fréquenté que Facebook?
Peut-être que dans la solitude imposée par son ordi, le gars a fini par se croire vraiment tout seul avec lui-même. Ou alors seul avec ses amis virtuels. Et des amis virtuels, on finit souvent par oublier qu’il y a des vrais humains qui habitent ces coquilles-là. Peut-être que le gars avait eu une journée de merde. Peut-être qu’il était fâché parce que le livreur de pizza avait dépassé les 30 minutes dont il est question dans la pub, peut-être que… je l’sais-tu moi? Ce qui est clair, c’est que le gars sans histoire avait choisi d’évacuer son trop-plein de quelque chose en lançant une poignée de mots dans l’univers. Probablement – c’est quand même rassurant – que le gars ne croyait même pas une miette à ce qu’il écrivait et qu’il aurait été le premier à offrir ses services de bénévole au malade mental qui serait entré avec un AK-47 pour faire le grand ménage à l’Assemblée nationale.
Mais le gars s’est exprimé sans nuance en pensant que ça n’était pas plus grave que ça. Que c’était seulement des mots. Dans les tavernes, il s’en dit des pires que ça à la journée longue. Sauf que les paroles de taverne s’envolent et que les écrits d’ordinateur restent. Même à l’ère de l’éphémère, c’est bien
pour dire…
Des mots, depuis le temps qu’on nous le répète, on a fini par croire que ça ne faisait pas mal. Enfin, ce n’est pas supposé faire mal. Mais on le sait bien que c’est faux. Que les mots peuvent même faire très mal parfois. Ce que l’on vient de découvrir cependant, c’est que les mots peuvent aussi faire très mal quand ils retombent sur la tête de celui qui les avait lancés en l’air sans deviner qu’ils pouvaient devenir aussi lourds.
En guise de tape sur les doigts, le tribunal a imposé à Monsieur-le-bon-garçon un cautionnement de 2 000 $ en plus de l’obligation se débrancher immédiatement de l’internet.
Quand il a entendu le verdict, Monsieur est resté sans mot. Il était temps.
•••
Vu avec plaisir : Tu te souviendras de moi à la Licorne. Avec, entre autres, l’excellent Guy Nadon. Une pièce sur un homme qui en sait beaucoup et qui voit sa mémoire l’abandonner. Désolé pour vous autres, il ne reste plus de billets. Vous reste maintenant à organiser des manifs pour ramener ça à l’affiche. Trop touchant, trop bon.
•••
Vu à l’autre extrémité du spectre du bonheur : Les jeunes loups à TVA. Ça, c’est l’histoire d’une bande de comédiens manifestement laissés à eux-mêmes qui doivent débiter des répliques nulles à hurler écrites par un Réjean Tremblay égal à lui-même. J’ai trouvé ça pourri. Mais alors là, tellement…