Au moment où le monde célèbre le Jour de la Terre, des efforts considérables sont déployés aux quatre coins du Québec pour protéger l’environnement. Réduction des déchets, recyclage, transport en commun, aménagement de parcs; des initiatives sont réalisées afin de verdir le voisinage. Mais quelle est la ville la plus verte du Québec?
Question polémique à laquelle il est difficile de répondre avec les données disponibles. Mais certaines municipalités font mieux que d’autres. C’est le cas de Gatineau, Boucherville, Sherbrooke, Dollard-des-Ormeaux et Montréal qui arrivent en tête de liste d’un classement réalisé par TC Media.
Les données publiques disponibles pour les 39 principales villes des 17 régions du Québec ont été analysées selon quatre critères, soit l’enfouissement des déchets, le taux de motorisation, la superficie d’aires protégées et les épisodes de soins hospitaliers pour des problèmes respiratoires chez les enfants.
Pour chaque critère nous avons classé les 39 villes selon leur rang et réalisé ensuite une moyenne de leur position afin de les comparer entre elles. Ce genre de classement malgré des failles évidentes permet néanmoins d’avoir un aperçu des défis des principales municipalités québécoises.
Même si elle ne domine dans aucun des quatre critères retenus, Gatineau arrive au sommet de notre classement parce qu’elle composte les déchets de ses citoyens, qui sont en outre faiblement motorisés. Elle peut aussi compter sur un parc national, et ses enfants ont très peu de problèmes pulmonaires.
Déchets enfouis
Avec 190kg par habitant et par an, un Sherbrookois enfouit deux fois moins de déchets qu’un résidant de Sept-Îles (394kg), tandis que Montréal se retrouve dans la moyenne avec 289kg, révèlent les données du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), qui récolte les données des 54 sites d’enfouissement et d’incinération du Québec.
«Ces centres doivent peser toutes les matières qui y entrent et tenir un registre indiquant le type de matière et leur provenance», indique André G. Bernier, directeur de l’analyse et des instruments économiques au MDDEFP.
Les villes qui enfouissent le moins de déchets par habitant sont celles qui font la collecte des déchets de table en vue de les composter et de les valoriser. Parmi les 39 villes étudiées, le tiers seulement a jusqu’à maintenant adopté cette bonne pratique.
«Les différences entre les villes s’expliquent aussi par l’ancienneté du service de collecte sélective, sa fréquence, les activités de sensibilisation, la richesse des citoyens. Elles peuvent même s’expliquer par la qualité du matériel de collecte fourni ou l’urbanisme», ajoute M. Bernier. Il précise que ces données doivent être utilisées avec prudence, car elles peuvent notamment englober certains déchets issus de commerces ou parfois de villes avoisinantes.
Québec s’attend à ce que d’ici 2015, 60% des matières organiques soient valorisées dans la Belle Province et que d’ici 2020, l’enfouissement soit complètement banni.
Aires protégées
Il s’agit de Shawinigan (60%), Sept-Îles (21%), Gaspé (16%), Val-d’Or (14%), Rouyn-Noranda (13%) et Boucherville (11%). Dix villes n’ont réalisé aucune démarche de protection en milieu terrestre selon les critères du MDDEFP.
«Attention, ces données ne prennent pas en compte la totalité des espaces verts sur le territoire d’une ville», prévient toutefois Jacques Perron, responsable des aires protégées au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Les parcs urbains, les terres agricoles ou les milieux humides ne répondent généralement pas aux critères internationaux. «Pour être classé, il faut notamment qu’il y ait un milieu naturel, que cette zone entretienne la biodiversité et qu’il n’y ait pas d’affectation industrielle, notamment de droits miniers, pétroliers ou gaziers, associée à ce terrain», résume-t-il.
Les chiffres du ministère et ceux affichés par les villes peuvent donc varier. Par exemple, Montréal estime avoir un taux de protection de 5,75%, alors que le MDDEFP n’en recense que 3,8%. En gros, la Ville utilise une définition plus large de ce qu’est une aire protégée et retient dans son calcul certains parcs municipaux, cimetières ou terrains protégés par d’autres types d’ententes.
Aux fins de nos calculs, nous avons retiré les aires protégées situées en milieu aquatique. Les écologistes critiquent en effet régulièrement la prise en compte de cette donnée qui permettrait selon eux aux élus d’améliorer, sans réel effort, leur bilan en matière de protection.
M. Perron note aussi que «peu de municipalités ont emboîté le pas de façon déterminée». Il précise aussi que si certaines villes décrochent de bonnes notes, cela ne provient pas forcément de leurs initiatives. Certaines peuvent en effet bénéficier de la présence d’un parc national sur leur territoire.
Qualité de l’air
Pas facile de mesurer si la qualité de l’air est bonne dans les municipalités québécoises, car elles ne disposent pas toutes de capteurs de particules comme Montréal.
Lorsqu’il a tenté, en 2008, de dresser l’état de l’environnement urbain, l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) n’a trouvé quasiment qu’une seule donnée commune à toutes les municipalités, soit le nombre de jours de soins hospitaliers pour des problèmes respiratoires par tranche de 1000 enfants de moins de 14 ans.
Étonnamment, les villes de Montréal (13e position) et de Québec (2e) figurent plutôt bien dans le classement, malgré de grands axes routiers et des industries polluantes. «Les villes de taille moyenne, de type industriel, comme Alma, Saint-Hyacinthe ou Sorel-Tracy, [performent moins bien]. Par contre, des villes de même type s’en sortent bien, comme Sept-Îles», note le rapport de l’INRS qui évite de se commettre sur les causes de telles variations.
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) réfute le choix de ce critère. «Déterminer si une ville est verte en se basant sur ce critère est inadéquat, car les maladies pulmonaires ont bien d’autres causes que la pollution. Il y a par exemple les habitudes de vie comme le tabagisme ou même la génétique qui sont des facteurs bien plus importants», lance Audrey Smargiassi, chercheuse à l’INSPQ. Elle suggère plutôt de recourir aux données d’Environnement Canada, qui ne permettent toutefois pas d’obtenir des données pour chacune des villes étudiées.
Même s’il convient lui aussi que ces données sont insuffisantes pour tirer des conclusions, André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, remarque quelques éléments intéressants. «Les villes industrielles comme Sorel-Tracy ou Alma se retrouvent en queue de peloton. De même que les villes au nord-est de Montréal qui reçoivent la pollution automobile de Montréal et les particules fines liées au chauffage au bois de leurs habitants», dit-il.
Les villes ayant un moins bon score devraient aussi s’interroger sur la pollution intérieure des maisons et des écoles, ajoute M. Bélisle, qui fait ainsi référence aux moisissures et à la pollution des poêles à combustion lente.
Motorisation
Les villes de l’île de Montréal remportent la palme de la plus faible motorisation, même si on y compte quand même 36 voitures pour 100 habitants. «Le taux de motorisation est directement lié à la densité de population, à l’aménagement urbain et à l’offre de transport en commun», lance Pierre-Alain Cotnoir, expert des comportements de transport chez Voyagez futé, un organisme de conseil en transport durable.
Selon lui, plusieurs villes contribuent à rendre leurs citoyens dépendants de l’auto en raison de leur étalement. La voiture est alors indispensable pour avoir accès à son travail, à un magasin d’alimentation ou à un lieu de divertissement.
Pour renverser la tendance, il faut revoir la façon dont les villes sont construites et s’attaquer au portefeuille des citoyens pour qu’ils adoptent le transport en commun (quand il existe). «Il faut alors faire en sorte que le coût du stationnement revienne aussi cher que le coût d’un abonnement au transport en commun», indique M. Cotnoir.
Ce dernier suggère aussi aux directeurs d’entreprises et d’institutions (hôpitaux, universités, …) d’analyser les contraintes de leurs employés ou leurs étudiants afin de trouver des solutions personnalisées. Une usine pourrait instituer un service de navettes, offrir les meilleures places de stationnement à ceux qui pratiquent le covoiturage, ou même offrir des abonnements au transport en commun comme le tente désormais Laval chez les 65 ans et plus.
«Mais la culture de l’auto est vraiment bien enracinée et il est difficile de faire changer les choses», convient-il en suggérant aux décideurs de contacter les six centres de gestion des déplacements du Québec pour obtenir le soutien requis.
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