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Pourquoi vos autocollants «0% halal, 0% casher, 100% Québécois» sont xénophobes

Par une sorte de curiosité malsaine, je suis abonnée à la page Facebook de la Fédération des Québécois consanguins de souche, cette organisation à tendance néonazie à l’origine des autocollants «0% halal, 0% casher, 100% Québécois». Par cette campagne lancée au printemps, mais qui a refait surface récemment, le groupe reproche une ingérence des religions dans les traditions québécoises, dans le cas qui nous occupe, la cabane à sucre.

Adhérer à la page Facebook de la FQS m’a permis de comprendre qu’au fond, tout ça partait d’un malentendu, les membres du groupe ne semblant pas comprendre pourquoi leur militantisme a des accents de racisme. En effet, en réaction aux accusations de xénophobie dont l’organisation a été taxée, l’un des administrateurs de la page demandait naïvement: «En quoi ne pas être halal, casher mais plutôt être québécois est quelque chose de xénophobe». J’ai un début d’explication à cette question.

Premièrement, opposer les certifications casher et halal à l’identité québécoise, c’est de facto exclure la possibilité d’être à la fois Québécois et d’appartenir à une autre religion que la confession catholique. À ce compte, les Steinberg, Cohen et Schwartz ne sont pas plus québécois que France D’Amour (qui, on le sait, est une adepte de la scientologie).

Deuxièmement, qu’est-ce qu’on en a à cirer, des certifications casher et halal? Par définition, ces certifications n’ont d’importance que pour ceux qui lui en accordent. Le fait qu’une chose soit casher ou halal ne lui enlève rien, elle ne fait que lui conférer une propriété qui n’a aucun impact si on n’y croit pas, mais beaucoup si on y croit. Et contrairement à ce qu’avancent les Mailloux et autres militants identitaires, il a été démontré que cela n’a aucun impact sur le prix des articles en épicerie, les coûts associés à ces certifications étant absorbés par des économies d’échelle.

Sur le site de la Fédération des Québécois de souche, on trouve toutefois un autre reproche à faire à la certification casher: «Traditionnellement, une pièce de lard était suspendue au-dessus des marmites et l’égouttement de gras suffisait pour empêcher le sirop en ébullition de devenir une sorte de mousse incontrôlable». Personnellement, je ne peux que me réjouir que l’intervention de groupes extérieurs ait permis que que cesse cette pratique dégoûtante.

D’autres exemples cités sur le site donnent plus à rire qu’à s’inquiéter: «Les musulmans influencent donc le déroulement de notre “rituel” du temps des sucres, mais seulement en surface et de manière isolée. Le groupe de musulmans reparti, les choses redeviennent ce qu’elles étaient jusqu’à la prochaine visite.» Avec des arguments comme ceux-là, pas besoin de contre-argumentation. Au fond, ce qu’on comprend, c’est que le groupe se désole que les musulmans ne puissent pas vivre l’expérience totale de la cabane à sucre, avec fèves au lard et jambon dans le sirop. J’imagine que tous ces gens-là dégustent des nids d’hirondelle, des testicules de taureau, du chat et des yeux de serpents lorsqu’ils voyagent à l’étranger.

Troisièmement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus accueillant, que de rejeter ainsi les traditions de ceux que l’on recrute à grands frais et qui viennent s’établir ici pour combler des postes dont personne ne veut. Pour faciliter le processus de compassion, imaginons qu’une diaspora québécoise devienne assez importante pour qu’une partie de la population d’accueil en soit irritée. Prenons, par exemple, la Floride. Imaginons qu’un groupe d’abrutis se mettent à scander «0% poutine, 0% french, 100% American Flag» sur la plage de Fort Lauderdale. Au mieux les Québécois qui injectent des millions de dollars dans l’économie américaine durant l’hiver les trouveront tatas, au pire ils se sentiront exclus tout en continuant à commenter le dernier épisode d’Unité 9 qu’ils ont réussi à regarder grâce aux grandes tours satellite qui détruisent un peu le paysage.

À la lecture du libellé de la FQS, ce que l’on comprend, aussi, c’est que certaines personnes ont trouvé un bouc-émissaire à leur nostalgie envers la petite cabane à sucre d’antan, dans laquelle on tapait du pied au son des violoneux après s’être roulés dans le bacon en famille. Ce temps est peut-être révolu, mais je pense qu’on se trompe de cible en accusant les juifs et les musulmans d’avoir mis fin à cette tradition. Si vous cherchez un responsable à votre perte de repères, vous le trouverez plutôt dans l’appât du gain. Les juifs et musulmans ne sont pas coupables d’avoir voulu rationnaliser la production acéricole. Des propriétaires de cabanes à sucres bien blancs, francophones et catholiques, peut-être.

Finalement, poser en habits d’époque devant une cabane à sucre pour s’opposer fièrement à une hybridation anecdotique des traditions par l’immigration, c’est xénophobe, mais c’est encore plus insécure que xénophobe. Et l’insécurité, ça ne donne pas tellement le goût de fréquenter la cabane à sucre.

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