Québec devrait investir davantage dans la prévention des infections transmissibles sexuellement, notamment auprès des jeunes et des homosexuels. Ce serait plus rentable que de dépenser des fortunes dans le traitement des malades, clament certains spécialistes après avoir lu les dernières données gouvernementales.
Selon l’étude ARGUS citée dans le dernier Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), 49 % des homosexuels interrogés se sachant infectés par le VIH ont eu au moins une fois une relation anale non protégée par un condom avec un partenaire d’un soir ou un partenaire autre qu’un partenaire connu de statut VIH positif. Même constat troublant chez les jeunes. En 2010, les 15-24 ans représentaient 10 % des nouveaux diagnostics d’infection par le VIH, un chiffre en hausse régulière. Les jeunes représentent aussi la majorité des nouveaux cas de chlamydia et de gonorrhée au Québec. Même la syphilis infectieuse, qui avait quasiment disparu depuis 30 ans, est réapparue.
Comment expliquer ces résultats? «Il y a 20 ans, la survie d’un sidéen était en moyenne de trois ans. Aujourd’hui, on ne meurt quasiment plus du sida, et les risques de transmission ont beaucoup diminué chez ceux qui prennent leurs médicaments correctement. Le VIH est désormais considéré comme une maladie chronique», note le Dr Marc Steben, directeur médical de la Clinique A.
Concernant les autres infections transmissibles sexuellement, «plusieurs personnes jouent à la roulette russe en croyant que ça n’arrive qu’aux autres. Pourtant, tout le monde peut être touché», ajoute le Dr Steben, qui a soigné récemment une femme de 80 ans aux prises avec un problème d’herpès génital contracté depuis peu.
Le Québec compterait entre 15 000 et 21 000 personnes atteintes du VIH-sida. Un chiffre qui augmente de 500 à 1 200 nouveaux cas chaque année, même si la hausse est moins marquée depuis 2006. Malgré tout, 60 % des personnes diagnostiquées entre 2002 et 2010 n’avaient jamais subi de test de détection du VIH auparavant. Un échec relatif des mesures d’éducation et de dépistage.
En début d’année, le Dr Réjean Thomas dénonçait le peu d’augmentation ces 20 dernières années des budgets alloués à la prévention du VIH-sida. Pourtant, les sommes investies en prévention permettraient de réduire les montants consacrés aux traitements, selon lui. Cette constatation est aussi valable pour d’autres infections transmissibles sexuellement. «Dans environ deux tiers des cas, quand un couple consulte pour une fécondation in vitro à cause d’une obstruction des trompes de Fallope, il y a des antécédents de chlamydia ou de gonorrhée silencieuses», indique le Dr Steben.
À défaut d’obtenir plus de fonds pour la prévention, le Dr Steben croit qu’on devrait au moins revoir la teneur des messages et s’inspirer de la Scandinavie. «Là-bas, les campagnes sont axées sur le plaisir d’avoir des relations protégées; elles ne jouent pas sur la culpabilité», précise-t-il. Il note aussi que la télévision et le cinéma grand public font bien peu de place au condom dans les scènes de sexe.
Des traitements qui coûtent cher
En 2011, la RAMQ a remboursé 87,6 M$ en frais de traitements antirétroviraux à 7 331 personnes atteintes du VIH-sida. Cela représente une moyenne de 11 949 $ par personne, par an. En comparaison, Québec a investi 29 M$ pour le dépistage, la prévention et la recherche. «La tendance actuelle consiste à considérer les sommes investies dans le traitement comme une façon de faire de la prévention», note toutefois Raphaël Bitera, épidémiologiste à l’Institut national de la santé publique. En effet, les traitements actuels permettent de réduire les risques d’infection de plus de 90 %, même sans protection, ce qui limite donc les risques de propagation de l’infection.