MONTRÉAL – Les utilisateurs de drogues injectables stimulantes, comme la cocaïne et les amphétamines, seraient deux fois plus susceptibles de présenter des comportements suicidaires, selon une équipe de recherche du CHUM.
L’équipe du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal s’est en effet penchée sur le lien entre le comportement suicidaire et la consommation de différentes drogues, comme la cocaïne, les amphétamines, les opioïdes, le cannabis, l’alcool, les barbituriques et les benzodiazépines.
«De façon générale, les gens qui consomment des substances _ peu importe laquelle et peu importe le mode de consommation _ sont plus à risque que la population en général. Et dans ce groupe-là, ceux qui s’injectent des drogues sont encore plus à risque. Et ce que notre étude vient démontrer, c’est que parmi les gens qui s’injectent des drogues _ déjà un groupe à très haut risque _ ceux qui s’injectent des stimulants comme la cocaïne ou les amphétamines sont vraiment un groupe ultimement le plus à risque de faire une tentative de suicide», a résumé mardi en entrevue le docteur Didier Jutras-Aswad, psychiatre et chercheur au Centre de recherche du CHUM.
Plus précisément, sur l’échantillon de 1200 personnes qui a été étudié, 143 avaient fait une tentative de suicide au cours des six mois précédents. «C’est un taux extrêmement élevé», a précisé le docteur Jutras-Aswad.
Pour expliquer le phénomène, le psychiatre avance trois hypothèses.
D’abord, les utilisateurs de drogues stimulantes sont reconnus pour être plus impulsifs. «Et on sait que l’impulsivité peut être liée à des comportements à risque, notamment le fait de faire une tentative suicidaire», a relevé le docteur Jutras-Aswad.
Ensuite, ces consommateurs de drogues stimulantes sont reconnus pour avoir une humeur plus variable, voire des troubles de l’humeur.
Finalement, ces consommateurs ont peu accès à des traitements. «En toxicomanie, il y a plusieurs traitements qui ont été développés, mais essentiellement, ils sont centrés sur les patients qui consomment le plus fréquemment de l’alcool ou des opiacés. Jusqu’à maintenant, on a peu d’interventions efficaces pour traiter des gens qui ont des dépendances à la cocaïne ou aux amphétamines. Une de nos hypothèses, c’est que ces personnes ont peu accès à des traitements appropriés et le fait de ne pas avoir accès à des traitements pourrait potentiellement avoir un effet sur leur santé physique, mentale et leur risque de faire une tentative de suicide», a résumé le docteur Jutras-Aswad.
Le chercheur formule deux recommandations.
D’abord, il faut mieux comprendre pourquoi ces gens qui consomment des drogues stimulantes sont plus enclins à faire des tentatives de suicide. Il faut notamment mieux comprendre l’évolution de la santé mentale de ces gens au fil des ans. «Clairement, on a besoin de plus de recherches sur ces populations-là qui sont plus à risque», a dit le docteur Jutras-Aswad.
Ensuite, il faut «très rapidement» mettre en place des interventions de prévention du suicide adaptées à ces consommateurs de stimulants, a-t-il conseillé.