Eût-il été concierge ou livreur de pizza, il y a longtemps que Marcel Aubut aurait reçu sa juste portion de claques sur la gueule pour ses agissements envers les femmes. Mais Marcel étant Maître Marcel, on ne l’a jamais trop embêté avec ça. C’est comme ça que ça se passe quand tu as du pouvoir et que tu es entouré d’une faune admirative et complaisante. Marcel, avocat de son état, connaît très bien le code légal et n’hésitera pas, quand c’est nécessaire, à le choisir aux dépens du code moral. Ça explique aujourd’hui bien des choses, mais jamais, au grand jamais, cela ne pourra justifier quoi que ce soit.
Tout le monde s’entend sur un détail : ce que Marcel veut, Marcel le prend. Ses fans disent que c’est ce qui fait «la beauté» de l’homme… Quand Marcel-le-bulldozer veut entrer quelque part, il n’attend pas d’être invité, il entre. Pour lui, une porte close n’est qu’un détail embêtant, sans plus. On sait maintenant qu’il fait pareil avec les femmes. Ou «la gent féminine», auprès de qui il s’est excusé pour ces années de maladresses juvéniles.
La gent féminine… L’homme est clairement parachuté d’un autre temps et vit assurément dans un autre monde.
Un voyage au pays de Marcel nous fait vivre un décalage étonnant qui n’est pas celui qui sépare deux fuseaux horaires, mais bien deux univers. Là où le territoire est partagé entre les ayants droit… et les autres. Un lieu totalement dissocié du bon sens.
Dans le pays de Marcel, les femmes sont instrumentalisées. Les hommes le sont aussi, mais d’une autre manière. Ceux-ci doivent adhérer à une cour fidèle et unanime. Comme des ados qui se protègent entre eux quand ils ont agi en parfaits gnochons. Leur devise est simple : un pour tous et tous pour Marcel.
Au pays de Marcel, les hommes sont éternellement «des boys» immatures qui ont le droit de ne pas savoir quand et où s’arrêter. Pour eux, pas question non plus de laisser la nature suivre son cours. En fait, la nature, ils ont tendance à vouloir la mettre au pas comme s’il s’agissait d’une adjointe administrative : tu la convoques au bureau, tu lui fixes un ordre du jour, pis bye-bye ma grande, next, on passe à un autre dossier! C’est ainsi qu’en vieillissant au pays de Marcel, tes cheveux prennent souvent une drôle de couleur ou réapparaissent comme par enchantement. Ou tu peux te croire irrésistible, même en boxers dans ton bureau. Quand, tel un James Dean en furie, tu pars avec ta gang de chums pour ton trip de moto annuel (baptisé «la randonnée des pauvres» – ça donne le goût de vomir…), tu enfiles ton perfecto de cuir noir flambant neuf. Pas grave qu’il soit rendu de taille XXXL, tout le monde n’y verra que du feu. Et le noir, c’est bien connu, ça amincit. Ce qui constitue un immense avantage quand tu as tendance à faire l’épais…
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Un bon disque de folk issu de la scène indie de Montréal : A season, du groupe Life on Land. Un travail superbe. En spectacle ce soir au Divan Orange, sur Saint-Laurent.