Le recours aux mères porteuses au Québec n’est pas de l’exploitation, considèrent plusieurs organismes et intervenants qui réclament depuis plusieurs années la reconnaissance et l’encadrement de cette pratique.
L’avis publié jeudi par le Conseil du statut de la femme, qui suggère de reconnaître et de baliser légalement la gestation pour autrui lorsqu’elle est faite de façon bénévole, a été bien accueilli par Isabel Côté, professeure en travail social à l’Université du Québec en Outaouais.
Mme Côté poursuit actuellement des recherches auprès de couples infertiles et de mères porteuses. Selon elle, les couples ayant recours à des mères porteuses n’instrumentalisent pas ces dernières. «Ils sont reconnaissants et respectueux, conscients de que cette femme fait pour eux, a observé la chercheuse. Ils maintiennent généralement des liens à longs termes et la femme est intégrée dans l’histoire des enfants.»
Selon Céline Braun, présidente de l’Association des couples infertiles du Québec, les parents ne font pas appel à une mère porteuse de gaieté de cœur. «C’est le seul recours pour certains couples infertiles, par exemple quand l’embryon ne colle pas à l’utérus de la femme», a souligné Mme Braun.
«Il y a une relation d’égal à égal entre les familles et les mères porteuses.» – Mona Greenbaum, directrice de la Coalition des familles LGBT
La plupart des mères porteuses sont soit des amies du couple, soit des femmes recrutées via une agence, d’après Mme Côté. Selon la loi canadienne, les mères porteuses ne peuvent pas être rémunérées, mais leurs dépenses reliées la grossesse sont prises en charge par les futurs parents.
La motivation de ces femmes serait avant tout d’aider. «Elles ont été sensibilisées à l’infertilité d’une façon ou d’une autre et elle veulent participer à quelque chose de grand», a-t-elle affirmé.
L’entente entre une gestatrice et des parents d’intention ne peut pas présentement être reconnue par la loi au Québec. Aucune partie n’est donc protégée si la mère porteuse décide de garder le bébé, si les «clients» ne veulent plus de l’enfant ou si la filiation à la mère d’intention n’est pas reconnue par les autorités. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a fait savoir par le biais de son attachée de presse qu’elle allait prendre en considération le rapport du Conseil du statut de la femme dans le cadre de sa réforme du droit familial.
Une mère porteuse témoigne
Marie-Claude Corbeil a toujours voulu être une mère porteuse. Présentement enceinte de six semaines, elle est en voie de réaliser son rêve et celui d’un couple infertile.
La femme de 36 ans, mère de trois enfants, a trouvé le couple dont elle porte l’enfant en faisant des recherches sur une page Facebook dédiée aux mères porteuses et aux donneuses d’ovules. «J’ai commencé à discuter avec des couples, ça a cliqué avec celui-là. On s’est rencontré dans un Tim Hortons pour discuter de la façon dont on voyait les choses», a raconté Marie-Claude à Métro.
Marie-Claude s’est ensuite engagée dans un fastidieux processus de 16 mois supervisé par une clinique de fertilité de Montréal. Elle a dû subir plusieurs traitements pour préparer son corps à accueillir un embryon issu de l’ovule d’une donneuse. Après plusieurs mois d’efforts, elle a fait une fausse couche.
«Le plus dur a été de voir la tristesse du couple. Cela faisait dix ans qu’ils essayaient sans succès d’avoir un enfant», s’est remémorée Marie-Claude.
Il a fallu reprendre tout le processus. Malgré le travail et les sacrifices que cela représente, Marie-Claude ne regrette rien. «Juste de voir leurs yeux briller d’émotion, la semaine dernière, quand on a vu le cœur de l’embryon, c’est ça ma paie, a-t-elle assuré. Je serais prête à recommencer encore si ça ne fonctionnait pas cette fois-ci.»
Marie-Claude considère maintenant le couple comme des amis. «On se parle tous les jours sur Facebook. Je partage tout de ma grossesse avec la mère», a-t-elle souligné. Après l’accouchement, il est prévu que Marie-Claude soit en contact avec l’enfant de temps en temps, comme à son anniversaire.
«C’est certain que je vais avoir un lien avec l’enfant, mais comme il ne vient pas de mon ovule, je suis relativement détachée», a estimé Marie-Claude.
Cadre légal
Marie-Claude juge que l’absence de reconnaissance et d’encadrement de la gestation pour autrui au Québec entretient des craintes autant de son côté que de celui des parents. «Vont-ils respecter l’entente? Vont-ils couper les ponts après la naissance? Est-ce que je devrais accoucher en Ontario, comme le font plusieurs couples pour que la mère soit plus facilement reconnue légalement? On est dans le néant sur plusieurs questions», a-t-elle déploré.