Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a invoqué pour la première fois la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin au blocus de certaines zones du pays. Cinquante-deux ans plus tôt, c’est son père, Pierre Elliott Trudeau, qui invoquait pour la dernière fois la version précédente, la Loi sur les mesures de guerre, lors de la crise d’Octobre en 1970. Tel père, tel fils? Pas exactement.
La Loi sur les mesures d’urgence est née de l’abrogation de la Loi sur les mesures de guerre en 1988. Elle doit permettre de faire face à une situation d’urgence qui «met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces», ou encore à une situation qui «menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays».
Pour mettre en application cette loi, le gouvernement doit d’abord consulter les premiers ministres des provinces qui seront touchées par la loi. Par décrets ou règlements, le gouvernement peut alors réglementer ou interdire des déplacements à destination, en provenance ou à l’intérieur d’une zone désignée. Le gouvernement pourrait ainsi viser précisément le centre-ville d’Ottawa ou les ponts actuellement bloqués en Ontario.
En effet, l’article 8 prévoit la possibilité d’évacuer les personnes et d’enlever les biens mobiliers de la zone désignée. Ainsi, les centaines de camions bloquant le centre-ville d’Ottawa, ou les biens bloquant certains ponts, pourraient être déplacés de force. La durée d’effet de la loi cesse après 90 jours, mais elle peut être prorogée ou abrogée avant.
Contrairement à la Loi sur les mesures de guerre, la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’un suivi parlementaire soit effectué. En effet, un comité d’examen parlementaire, composé d’un député et d’un sénateur de chaque parti, est tenu d’examiner les attributions découlant d’une déclaration de situation de crise. Une enquête est mise en place «sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise».
Une version «douce» devrait être appliquée
La version de la Loi sur les mesures d’urgence qui va s’appliquer au Canada serait une version restreinte. Elle «sera de courte durée et ne touchera seulement que quelques territoires», a assuré Justin Trudeau lors de son annonce.
La Loi sur les mesures de guerre, abrogée en 1988, avait pour objectif le maintien de la sécurité et de l’ordre en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection. Elle pouvait s’appliquer de manière unilatérale. Le gouvernement pouvait alors se substituer à la Chambre des communes et au Sénat pour gouverner par décrets. Cette loi avait des conséquences lourdes sur les libertés civiles, puisque le gouvernement pouvait suspendre les droits des personnes considérées comme ennemies sur le territoire.
Le gouvernement pouvait alors arrêter et incarcérer des personnes sans procès ou accusation. Sa dernière application a eu lieu lors de la crise d’Octobre 1970, pendant laquelle l’armée patrouillait au Québec.
«Au plus fort de la crise, la police fait plus de 3000 recherches et met en détention 497 personnes; 435 sont relâchées sans accusations ni audience et 62 sont accusées», d’après l’Encyclopédie canadienne.