«Pendant rock des Oscars», «soirée glamour, mais pas coincée», «gala rempli d’humour croustillant». C’est habituellement ainsi que sont définis les Golden Globes. Mais hier, c’était tout sauf ça. Surtout du côté de l’animation de Jimmy Fallon. Non, ce n’est assurément pas là que la star du Tonight Show l’a réussi, son show. Ceux qui ont réussi, toutefois : la magnifique Meryl Streep, le biopic royal The Crown et la comédie musicale La La Land.
On se souvient des gags punchés livrés par Tina Fey et Amy Poehler trois années de suite, de 2013 à 2015. De la commotion créée par Ricky Gervais en 2012. De son retour, pour une quatrième fois, en 2016, moins mordant, mais tout de même cinglant.
Habituellement, durant le gala, quand une voix annonce : «Après la pause, retrouvez de nouveau Tina Fey et Amy Poehler!» ou «Ne quittez pas! Au retour, encore plus de Ricky Gervais!», on est content. Là, quand on entendait «Après la pause, plus de Jimmy Fallon», ça faisait «ouf». Dès les premiers instants, alors que le télésouffleur a planté, Jimmy, qui a pourtant longtemps fait partie de l’équipe de Saturday Night Live, s’est retrouvé complètement désemparé. Idée comme ça pour la prochaine fois (si prochaine fois il y a) : apprendre son texte par cœur?
Mais l’échec de Fallon n’a pas été l’élément le plus étonnant de ces 74e GG. Moult lauréats ont défié les prédictions. À commencer par Billy Bob Thornton, qui a été préféré à Rami «Mr. Robot» Malek et Liev «Ray Donovan» Schreiber pour sa performance dans la série d’Amazon Goliath, dont on a relativement peu entendu parler.
Ensuite, Claire Foy, vedette de The Crown, a ravi la couronne à une des favorites, Winona Ryder, star de Stranger Things. Le biopic sur la famille royale a aussi coiffé au poteau le succès de science-fiction (tous deux produits par Netflix).
Sinon, un Hugh Laurie sous le choc, la gueule à terre, a remporté le titre de Meilleur acteur de soutien dans une mini-série pour The Night Manager. Un drame d’espionnage en six épisodes réalisé par l’oscarisée Danoise Susanne Bier.
«Eeeeeh! a réussi à articuler l’ex-Docteur House en palpant son trophée. C’est clairement une erreur! Cela dit, je serai ravi de pouvoir dire que j’ai été récompensé lors des derniers Golden Globes de l’histoire.»
Silence un peu perplexe dans la salle. «Je veux dire, je ne veux pas être morose, mais le nom de l’organisation derrière ces prix comporte les mots “Hollywood”, “Foreign” et “Press”.» Allusion, bien sûr, aux positions du président Trump et à tout ce qu’il abhorre, soit les arts, l’étranger et les médias.
Reste que, entre les gagnants étonnants, certaines prédictions se sont avérées justes. Comme la victoire de Moonlight dans la catégorie Drame de l’année. Ou celle de Casey Affleck, pour sa prestation dans le drame Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan.
Aussi bien vu : le triomphe du film «sens-toi bien», feelgood, de l’année, La La Land, qui a remporté trophée sur trophée, dont celui de Meilleure comédie (musicale ou non). Damien Chazelle (le jeune cinéaste de 31 ans qui avait fait des flammèches en 2014 avec Whiplash) a également été sacré Meilleur scénariste et Meilleur réalisateur pour cette même œuvre. Le premier rôle masculin de l’ensemble, Ryan Gosling, a aussi été récompensé. Au micro, le Canadien a remercié sa femme, Eva Mendes, sans qui il «ne serait pas ici». «Pendant que je jouais du piano, que je chantais et que j’avais du plaisir comme jamais, elle était enceinte de notre deuxième fille, prenait soin de notre première et veillait sur son frère atteint du cancer.» Ryan G. a d’ailleurs dédié son prix à la mémoire de ce dernier, Juan Carlos Mendez.
Sa collègue à l’écran, la rouquine et souriante Emma Stone, a itou remporté les grands honneurs pour sa prestation dans cette «œuvre qui salue l’espoir et la créativité». Elle a partagé son prix avec «tous ces artistes à qui on a fermé la porte au nez – métaphoriquement ou réellement».
Sinon, au rayon des longs métrages étrangers, c’est Elle, de Paul Verhoeven, qui a gagné. Le réalisateur semblait ravi du prix, d’autant plus que son film «n’invite pas vraiment le public à ressentir de la compassion pour le personnage». Celle qui incarne le personnage en question, Isabelle Huppert, s’est alors levée avec un sourire grand comme ça. D’ordinaire hyper sérieuse, l’actrice française a explosé de joie et a battu des mains comme une petite fille tandis que le cinéaste lui lançait : «I love you! I love you! I love you!» Une heure plus tard, elle était tout aussi extatique en recevant le Globe de la Meilleure actrice dans un drame pour cette même performance. «Thank you, thank you, thank you de me faire gagner dans un film français réalisé par un Néerlandais, ici, en Amérique!»
Cela dit, le moment le plus fort de la soirée est assurément celui où la grande Viola Davis, nommée Meilleure actrice de soutien pour Fences (de Denzel Washington), a rendu hommage à la tout aussi grande Meryl Streep. «Tu me rends fière d’être une artiste, a-t-elle dit, la voix tremblante. Tu me fais croire que ce qui compte, c’est ce que j’ai en moi. Que mon corps, mon visage, mon âge sont appropriés.»
Après un montage de films dans lesquels Dame Streep a joué au cours de sa carrière, présentés (c’était un peu trop) comme une bande annonce avec les gros titres «Une des actrices les plus célébrées de notre époque!», «18 nominations aux Oscars!», «3 Oscars!», la principale intéressée est montée sur scène et a repris la boutade de Hugh Laurie, comme quoi la Hollywood Press Association représente tout ce que Donald Trump déteste.
Des larmes dans les yeux, la gagnante du prix Cecil B. DeMille (qui récompense les artistes pour l’ensemble de leur carrière) a évoqué les origines de plusieurs vedettes dans la salle, venant toutes d’ailleurs. Dont «Ryan Gosling, qui, comme tous les gens les plus gentils, est Canadien». «Hollywood est rempli d’étrangers. Et si on les fout dehors, la seule chose qui nous restera à regarder, c’est le football et les mixed martial arts. Qui, en passant, ne sont pas des arts.»
La star de 67 ans a fini par un appel à l’empathie. «Comme le disait ma chère amie, la Princesse Léa : “Prends ton cœur brisé et transforme-le en art.”»
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