«S’il y a un rôle dans tout le répertoire pour lequel je suis né, c’est celui-là.» Il l’attendait depuis longtemps: le comédien Guillaume Cyr interprétera le célèbre rôle de Lennie Small dans la nouvelle adaptation de Des souris et des hommes chez Duceppe.
Personnage culte auquel se sont frottés plusieurs comédiens d’ici comme d’ailleurs, Lennie est devenu depuis la publication du livre de John Steinbeck, en 1937, l’archétype du gentil géant.
Avec son compagnon et protecteur George (interprété par Benoît McGinnis), ce simple d’esprit au cœur tendre, mais à la force herculéenne, parcourt la Californie des années 1930 de ferme en ferme à la recherche d’un gagne-pain. Sa candeur contraste avec sa taille et la dureté d’une époque où le rêve américain vole en miettes.
Un rôle fait sur mesure pour le grand gaillard qu’est Guillaume Cyr, qu’on a notamment vu dans Louis Cyr: L’homme le plus fort du monde et L’imposteur.
Lorsqu’on l’a rencontré, il était à peaufiner les derniers détails de la composition de son personnage.
«Les dernières années, j’ai surtout fait des pièces réalistes à La Licorne, des personnages près de moi. Dans ce temps-là, le personnage se trouve très rapidement, il suffit de le mettre en place et de creuser dans l’émotion. Comme Lennie est un déficient intellectuel, un personnage de composition, c’est à force de trouvailles et au fil des répétitions que le personnage se trouve.»
«On a voulu s’éloigner des traductions précédentes. On a enlevé le côté Un homme et son pêché au profit d’une langue actuelle, sans être anachronique.» –Guillaume Cyr, à propos de la langue choisie pour cette nouvelle adaptation québécoise de Des souris et des hommes.
Vous dites avoir toujours voulu jouer le rôle de Lennie. Pourquoi?
Lennie est présenté comme un costaud très, très fort, mais avec un cœur et une sensibilité. On dirait que je me suis toujours identifié à cela comme comédien. Par mon casting d’abord, mais aussi parce que j’ai toujours considéré que j’avais une grande sensibilité d’acteur. S’il y a un rôle dans tout le répertoire pour lequel je suis né, c’est celui-là. J’avais le livre entre les mains depuis trois ans lorsque j’ai reçu l’appel de Vincent-Guillaume [Otis, le metteur en scène]. Ça devait arriver un jour.
Pour un acteur, avoir un physique imposant, est-ce que ça ferme des portes?
Bien sûr. Mais ça m’en a aussi ouvert. Pour le film Louis Cyr par exemple, ça prenait des gars de cette taille-là. Lors d’auditions pour des rôles de gars «normal», en casting, je suis souvent la contre-proposition. J’arrive avec une prestance qu’on n’imagine pas pour ce rôle. C’est sûr que je rentre dans les castings atypiques, comme Debbie [Lynch-White] chez les femmes. Des rôles pour ma taille ou celle d’Antoine [Bertrand], il n’y en a pas 20 par année. Mais je me plais à penser qu’avec mon talent et ma sensibilité, je réussis à obtenir des rôles qui ne seraient pas allés nécessairement à des gars de mon gabarit parce qu’en audition j’ai prouvé que ça pouvait marcher, et même être plus intéressant.
Lennie a été interprété par de grands comédiens comme Jacques Godin et John Malkovich. Quand on s’inscrit dans cette lignée, est-ce qu’on pense à ceux qui nous ont précédé?
Oui, totalement. J’ai beaucoup fait de théâtre de création, où les spectateurs n’ont pas d’attentes par rapport à ce qu’ils viennent voir. C’est la première fois que j’ai à jouer un rôle où il y a des comparatifs et où tout le monde attend de voir comment je vais le faire. C’est un stress supplémentaire avec lequel je n’ai pas eu à vivre souvent.
De quelle façon cette production aborde-t-elle l’œuvre de Steinbeck?
On a adopté une version épurée du texte. C’est un spectacle qui peut facilement durer 2 heures 40 avec deux entractes. On en fait une version de 1 heure 30 sans entracte. Straight to the point. Il y a eu un gros travail d’adaptation de la part de Jean-Philippe Lehoux, qui a travaillé à partir de la version britannique et du roman. On a enlevé des scènes superflues, des personnages de «méchants». On n’a plus besoin d’une mise en contexte de l’époque. L’époque, on va la sentir, on va la jouer.
Est-ce que la dimension sociale de la pièce est toujours présente?
Notre version est très axée sur la relation entre George et Lennie, mais tout ça dans le contexte de la pauvreté des années 1930. La misère passe beaucoup dans la fatigue des personnages, la dureté de leurs relations. Ce sont des «gars de shop» qu’on met ensemble et qui font des journées de 18 heures pour gagner 1,10$ par semaine. C’est un monde très masculin où les émotions ne sont pas permises. Dans ce contexte, l’amour fraternel entre George et Lennie paraît encore plus fort, et touche encore plus.
Guillaume Cyr sera à l’affiche de Des souris et des hommes, du 24 octobre au 1er décembre au Théâtre Jean-Duceppe.