Culture

Gala Les Olivier: les frontières de l’humour

Pour son 20e anniversaire, le gala Les Olivier s’est offert une petite soirée tranquille, consensuelle et bon enfant menée efficacement par Philippe Laprise et Pierre Hébert. C’était un gala, ni plus ni moins, qui sera vite oublié et qui n’a pas déplacé d’air.

C’est ben correct comme ça et nos félicitations aux gagnants.

Ceci étant dit, mon visionnement des Olivier hier m’a rappelé un truc qui m’agace de notre écosystème télévisuel et culturel. Dimanche soir, à Radio-Canada, des humoristes/animateurs télé/ chroniqueurs/animateurs radio étaient à l’animation d’un gala pour l’industrie de l’humour qui a récompensé des humoristes/acteurs/animateurs/chroniqueurs/musiciens/auteurs/etc.

L’humour, au Québec, est partout, tout le temps. Si vous faites du contenu, à l’écrit ou autrement, sur le web ou ailleurs, le nom d’un humoriste pour le greffer à un nouveau projet sera lancé très rapidement, voire en premier systématiquement. Télé-réalité, allons pêcher Jay du Temple. Fictions pour les ados, Maxim Martin a un projet sur les tablettes avec sa fille. Comédie grand public pour la télé, François Morency a un livre à vendre qu’il pourrait mettre en images à la télé. Besoin d’une comédie estivale pour remplir les salles de Vincent Guzzo, Louis-Josée Houde a un trou dans sa tournée.

À la limite, c’est la démonstration concrète du grand bassin de talent que nous avons au Québec pour la création de contenu. Nos humoristes sont des touche-à-tout créatifs auxquels on veut s’associer. Mais dans le cadre d’un gala, ça devient vite homogène.

Je m’explique.

Dimanche, la salle était pleine d’humoristes et seulement une poignée est montée sur la scène. En musique et en télé, notamment, il y a des catégories. En humour, il y a des canaux de diffusion. Meilleur spectacle, meilleure capsule web, meilleur contenu web, meilleur podcast, meilleure comédie à la télé, etc. L’humour est un tout et, au sommet, la préférence du moment de l’Académie rafle tout. Le hic, c’est que pas mal tous les humoristes s’étalent sur toutes les plateformes. Il y a quelques rares cas, comme François Bellefeuille qui ne fait que de la scène et François Pérusse, à l’époque, qui ne faisait que de la radio. Mais sinon, une tournée est doublée de tournages télé, de capsules web, de fictions et de présences à la radio. Même Guy Jodoin, animateur télé depuis longtemps, est venu récolter un trophée pour une capsule sur le web contre une relève pourtant plus chevronnée à qui on pense instinctivement quand on parle des médias numériques.

Devrait-on tomber dans le piège de catégoriser l’humour pour donner une chance à plus de gens de se démarquer dans un gala qui est, essentiellement, une carte de visite pour les projets futurs? Devrait-on repenser l’approche du gala et limiter les implications, notamment en ne sélectionnant pas deux fois la même personne pour deux projets différents dans une même catégorie (comme Julien Lacroix dimanche)? Devrait-on tirer la plug sur le gala après vingt ans et admettre que les humoristes sont rois et, de toute façon, ils vont aller dominer les nominations des autres galas spécialisés pour la musique, la télévision, le cinéma et le théâtre?

On aime l’humour au Québec et on aimait, jusqu’à tout récemment, le fleuron Juste pour rire. C’est dans l’ADN de la province que de se vanter d’avoir une culture de l’humour très avancée. Mais peut-on vraiment parler d’un écosystème en santé quand, dans le fond, il est très homogène et imperméable aux changements?

C’est quand même bien quand un gala voulu inoffensif provoque ce genre de questionnement. Aussi, il faudrait clairement revoir la place du web et de la télé parce que la frontière entre les deux est de plus en plus floue et on pénalise les deux côtés en conservant les distinctions comme elles sont actuellement. Du contenu, c’est du contenu – peu importe la plateforme.

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