À la veille de la décision qui sera rendue le 27 octobre dans l’affaire d’Éric Lapointe, plusieurs enjeux nous préoccupent quant à la place des femmes plaignantes, mais aussi quant aux sentences des hommes accusés d’actes de violences faites aux femmes.
Après avoir plaidé non coupable en 2019, Éric Lapointe s’est ravisé en présentant un plaidoyer de culpabilité pour des accusations de voies de fait contre une femme. En échange, la défense et la procureure ont suggéré à la cour une absolution conditionnelle qui lui éviterait un casier judiciaire. Suggestion surprenante quand on sait qu’en août, M. Lapointe a plaidé non coupable à une accusation de bris de condition, en lien avec la même affaire.
L’agence QMI rapportait le 7 octobre dernier que la victime était «démolie» après avoir appris la suggestion commune d’absolution, alors qu’elle aurait été prête à témoigner lors d’un procès. Ces informations nous laissent croire que la plaignante n’aurait été ni consultée ni informée de cette suggestion. Nous sommes en droit de nous demander si elle a, par ailleurs, été invitée à faire connaître les conséquences du crime sur sa vie (Tel que suggéré dans la directive du Directeur des poursuites criminelles et pénales sur la négociation de plaidoyer et la détermination de la peine) et si cette déclaration, le cas échéant, a été prise en considération. Cet élément nous semble essentiel à prendre en compte en vue d’une décision éclairée et appropriée.
En outre, s’il est de l’intérêt de M. Lapointe qu’une absolution lui soit accordée, qu’en est-il de l’intérêt public, qui, selon le code criminel, doit être considéré? Au moment où les vagues de dénonciation de violence envers les femmes nous indiquent que plusieurs d’entre elles n’ont plus confiance dans la capacité du système judiciaire de sanctionner ces agressions, quel message enverra-t-on si le juge accepte cette recommandation? Ne risque-t-on pas de conclure que, même dans les cas où ils avouent leur culpabilité, ceux qui agressent les femmes peuvent le faire en toute impunité? Un tel message contribuerait encore une fois à alimenter le cynisme. La décision du juge Larivière, qui a choisi de prendre le dossier en délibéré, permettra-t-elle au contraire de redonner confiance aux femmes dans les institutions?
La suggestion d’absolution conditionnelle pour Éric Lapointe nous rappelle tristement celle (inconditionnelle pour sa part) qu’avait obtenu Gilbert Rozon en 1999 pour une agression sexuelle. Plus de 20 ans plus tard, saura-t-on condamner avec fermeté les comportements violents envers les femmes, sans égard à la popularité des agresseurs, et respecter la volonté des victimes de se faire entendre?
Chantal Arseneault, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale