LETTRE OUVERTE – Habituellement, le mois de décembre évoque une période de réjouissance, de partage et de rapprochement. Toutefois, malgré le 25e anniversaire de l’adoption de la Loi sur l’équité salariale au Québec – une loi qui devait corriger la discrimination systémique basée sur le sexe –, bien des Québécoises auront peu le cœur et l’esprit à la fête, car à compter du 1er décembre, elles travailleront «gratuitement ».
Gratuitement ? Sans aucune rémunération ? Non, bien sûr, mais la symbolique de ce mot est à mettre en relation avec les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada; celles-ci nous révèlent, entre autres, que l’écart salarial entre les Québécois et les Québécoises s’élevait 8,1 % en 2020. Dit autrement, le salaire des Québécoises était 8,1 % moins important que celui des Québécois.
En considérant les chiffres des quelque 20 dernières années de l’EPA, nous pouvons conclure à un net progrès pour réduire cet écart. En effet, car l’écart entre la rémunération horaire moyenne des femmes et celle des hommes est passé de 16,6 % en 1999 à 10,1 % en 2019. La tendance s’est accélérée en 2020, l’écart se chiffrant à 8,1 %. Oui, il y a un progrès, mais ce progrès n’équivaut pas à la résorption de ce phénomène. Malgré le quart de siècle d’existence de la Loi sur l’équité salariale au Québec.
En se comparant, on pourrait se consoler, car le Québec fait bonne figure avec un écart salarial entre les sexes inférieur à celui du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne. Toutefois, comment se réjouir quand l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), dans son rapport publié en février 2019, démontrait que l’écart de rémunération entre l’administration québécoise (majoritairement des femmes) et les entreprises publiques (majoritairement des hommes) est de 24 % en moyenne ?
C’est donc dire que, malgré son importance, la Loi sur l’équité salariale comporte de sérieuses limites. Bien qu’elle se penche sur la comparaison des salaires pratiqués par un même employeur, elle s’avère inefficace pour réduire ou enrayer les iniquités entre des secteurs traditionnellement masculins et féminins, entre les domaines d’activité ou entre les employeurs d’un secteur.
Les entreprises publiques (surtout des hommes) ont la chance d’utiliser comme référence les entreprises du secteur privé, ce qui permet à leurs employés de négocier de meilleures conditions. Toutefois, les employés de l’administration québécoise (surtout des femmes) n’ont pas cette possibilité. Les dispositions de la Loi sur l’équité salariale ne permettent pas de comparer de façon systématique les emplois de l’administration québécoise avec les emplois des autres parties du secteur public. D’où la perpétuation d’un cercle vicieux, particulièrement pour les femmes.
La faute aux hommes ? Pas du tout, car des hommes souffrent également de cette discrimination. Ceux qui travaillent dans des secteurs majoritairement féminins – santé, éducation et culture – se retrouvent eux aussi moins bien rémunérés que s’ils avaient choisi un domaine traditionnellement masculin.
Comme l’indique à juste titre l’IRIS dans son rapport de recherche, « le législateur devrait modifier la Loi sur l’équité salariale pour permettre les comparaisons inter-secteurs, voire contraindre le Conseil du trésor à produire des programmes d’équité salariale qui compareraient les emplois de l’administration québécoise à ceux des entreprises publiques provinciales ».
Est-ce trop demander afin de rendre notre société plus équitable entre les femmes et les hommes, malgré les progrès des 20 dernières années ?
Line Lamarre
Présidente du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPQG)