La gentrification est un phénomène toujours plus problématique pour les locataires. Et des quartiers qui étaient jusqu’alors plutôt protégés par ces hausses intempestives, comme Montréal-Nord, ont vu une forte hausse des loyers au cours de la dernière année. C’est ce que confirme le dernier Rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
Montréal-Nord a en effet connu une hausse moyenne de 13,1% des loyers entre 2020 et 2021. Les loyers pour les appartements de toutes grandeurs confondues y sont passés de 733 à 829 $ en un an.
D’autres arrondissements comme LaSalle ont connu une augmentation non négligeable des loyers dans la dernière année. LaSalle a vu les loyers augmenter de 5,1%. Saint-Laurent a vu une augmentation encore plus forte avec 6,1%. Et il y a aussi Hochelaga-Maisonneuve qui a vu ses loyers augmenter en moyenne de 5,8%.
Cela démontre, selon la porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Marjolaine Deneault, que les arrondissements qui étaient jusqu’alors restés à l’abri des fortes augmentations de loyer et de la gentrification ou même des rénovictions ne le sont plus.
Au cours de la dernière année, l’ensemble des locations à Montréal ont augmenté de 1,8%. Les loyers y sont passés en moyenne de 893 à 909 $.
Des hausses, mais aussi des baisses
En contrepartie, des arrondissements ont vu les loyers baisser. Parmi les arrondissements qui ont connu la plus forte baisse, en moyenne, des loyers, on trouve Verdun. Les prix y ont chuté de 6,6% dans la dernière année, passant en moyenne de 924 à 863 $.
D’autres, comme Rosemont–La Petite-Patrie avec 4% en moins ou encore Lachine avec 4,6% en moins, ont connu des baisses similaires.
Mais la porte-parole du RCLALQ tient ici à se montrer prudente. Il faut faire attention et prendre en compte le contexte pandémique qui a entraîné une forte baisse de la demande dans certains secteurs. Le rapport souligne notamment une baisse de la demande de la part des étudiants ou encore des visiteurs internationaux.
Marjolaine Deneault voit dans ces chiffres une surévaluation du prix des loyers avant la pandémie. La pandémie a forcé les propriétaires à revoir à la baisse les prix des loyers. «Mais les loyers ne vont jamais baisser», déplore-t-elle.
Les plus chers et les moins chers
La porte-parole du RCLALQ encourage à prendre le rapport de la SCHL avec précaution. S’établissant plus sous forme d’un sondage, et selon le bon vouloir des propriétaires qui acceptent de communiquer les loyers qu’ils demandent, les moyennes établies sont exhaustives, mais pas forcément représentatives, précise-t-elle.
Voici, selon le rapport, les cinq zones à Montréal où les loyers sont en moyenne les moins chers et les cinq endroits où les loyers sont en moyenne les plus chers.
Les loyers les plus chers
- Centre-ville de Montréal/Île-des-Sœurs : 1307 $ (2,3%)
- Baie d’Urfé/Beaconsfield : 1239 $ (-2%)
- Plateau-Mont-Royal : 1073 $ (3,2%)
- Notre-Dame-de-Grâce/Côte-Saint-Luc : 1022 $ (-0,1%)
- Côte-des-Neiges/Mont-Royal/Outremont : 975 $ (0,6%)
Les loyers les moins chers
- Villeray–Saint-Michel–Parc Extension : 772 $ (+5,2%)
- Dorval/Lachine/Saint-Pierre : 789 $ (-4,6%)
- Anjou/Saint-Léonard : 893 $ (-4,5%)
- Rosemont–La Petite-Patrie : 799 $ (-4%)
- Mercier : 803 $ (1,5%)
«Tous les quartiers sont en train de devenir inaccessibles», s’inquiète Marjolaine Deneault.
Une inquiétude palpable et de longue date
Le RCLALQ demande depuis longtemps que le gouvernement provincial mette en place un contrôle des loyers avec des règles strictes.
Marjolaine Deneault déplore que toute la procédure repose aujourd’hui sur les épaules des locataires. Ce sont eux qui doivent faire les démarches lors de nouveaux baux ou encore calculer les différences de loyers.
«Il faut renverser le fardeau pour lutter contre ça», précise la porte-parole. Aujourd’hui, les loyers ne sont pas encadrés, mais un pourcentage est suggéré par le Tribunal administratif du logement chaque année. Mais ce n’est qu’une suggestion et non un encadrement, tient à souligner Mme Deneault. Elle souhaite que ces suggestions deviennent la règle, car cela existe en Ontario notamment, précise la porte-parole.
En général, les augmentations suggérées tournent autour de 0 à 2% en fonction des logements, si ceux-ci sont chauffés ou non, par exemple, précise-t-elle.
Le RCLALQ souhaite que lorsqu’il y a des travaux ou des changements significatifs, le propriétaire doive justifier ces hausses auprès des instances gouvernantes. Car il est possible que ces coûts puissent être absorbés par le locataire.
«Ça prend de la volonté politique. Le seul problème, c’est qu’il y a une incompréhension de la part des politiciens en la matière. On voit que beaucoup sont propriétaires et non locataires et qu’ils ne sont pas soumis à ces problèmes», déplore Marjolaine Deneault.
En attendant, Mme Deneault conseille aux locataires de privilégier les cessions de bail. Elle souligne aussi qu’en ayant connaissance du bail précédent et en constatant une possible hausse abusive, un recours est possible auprès du tribunal.