Après avoir été la scène d’un lent déclin depuis les années 1970, la rue Notre-Dame, dans l’arrondissement de Lachine, vit une importante revitalisation commerciale. Un essor qui témoigne de la solidarité des Lachinois et de l’implication des commerçants.
«Ça fait du bien, il y a beaucoup de nouveauté. C’est le fun de se promener!» s’exclame Alexandra Pagé, propriétaire de Glup, une boutique de produits locaux sur Notre-Dame. «Mon chiffre d’affaires augmente d’année en année», s’empresse-t-elle d’ajouter.
Ce sont surtout des Lachinois qui ouvrent des boutiques et qui font leurs emplettes sur l’artère commerciale, souligne la mairesse de l’arrondissement, Maja Vodanovic. De plus en plus de gens s’installent dans le secteur de la Notre-Dame, poursuit-elle. Une croissance qui s’accentuera avec le développement de l’écoquartier Lachine-Est.
Il y a un désir [des résidents] de participer à la vitalité commerciale de leur propre ville […] Ils veulent que [Lachine] soit plus comme un village qu’un quartier-dortoir.
Maja Vodanovic, mairesse de l’arrondissement de Lachine
À l’ouverture de la boutique d’Alexandra Pagé il y a sept ans, les clients se plaignaient souvent de la désuétude de la Notre-Dame, affirme la commerçante. Commentaires qu’elle n’entend plus du tout aujourd’hui.
Même son de cloche du côté de Maja Vodanovic. Beaucoup de Lachinois sont nostalgiques des années glorieuses de la Notre-Dame, remarque-t-elle. Berceau de l’industrialisation au Canada, Lachine-Est a accueilli jusqu’aux années 1960 des dizaines de milliers de travailleurs. Les employés allaient manger, magasiner et se divertir sur la rue Notre-Dame, tout près. «Les gens me disent que c’était comme la rue Sainte-Catherine», note la mairesse.
Taux de vacance des locaux commerciaux sur la rue Notre-Dame (entre la 6e et la 18e Avenue)
Septembre 2011: 16,6%
Avril 2021: 11%
Février 2023: 6%
Taux de vacance des locaux commerciaux à Montréal (décembre 2022): 13,5%
Taux de vacance des locaux de la SDC Wellington, à Verdun (février 2023): 8,5%
Source: Arrondissement de Lachine
Qu’est-ce qui explique cet essor?
Le succès de la Notre-Dame découle principalement de l’implication des commerçants, aux dires d’Alexandra Pagé. L’Association Centre-Ville Lachine (ACVL), qu’elle préside, multiplie les événements pour créer de l’animation sur la rue et augmenter l’achalandage.
Signe de l’engouement des commerçants et de l’Arrondissement pour la dynamisation commerciale de la rue, l’ACVL se transformera cette année en Société de développement commercial (SDC) en bonne et due forme. Des règlements pour délimiter la zone commerciale – la rue Notre-Dame, entre les 6e et 19e Avenues, incluant le marché de Lachine – et pour constituer la SDC ont été adoptés par le conseil d’arrondissement le 6 mars dernier.
La SDC servira de ressources aux commerçants et leur permettra de s’unir pour avoir plus de poids face à l’Arrondissement et la Ville de Montréal, se réjouit Alexandra Pagé.
Par ailleurs, plusieurs projets de rénovation ont embelli la rue et ses boutiques dans les dernières années. Depuis 2015, 1,3 M$ ont été octroyés en subventions dans le cadre du programme Réussir@Montréal (PRAM), pour un total de 6,3 M$ d’investissements publics et privés sur la rue, précise l’Arrondissement. Vingt-trois commerces ont ainsi pu moderniser leur façade et leur aménagement intérieur.
Maja Vodanovic attribue également l’essor de la Notre-Dame aux modifications règlementaires de son administration. Désormais, les bureaux et les garderies ne peuvent plus être aménagés au premier étage. «C’est des lieux qui sont fermés le soir et fermés au public le jour. Ça ne crée pas de l’achalandage», explique la mairesse. L’Arrondissement a également changé le zonage commercial des rues perpendiculaires. Les commerces sont ainsi poussés à s’installer directement sur la rue Notre-Dame, ce qui augmente la concentration commerciale.
Un développement économique inclusif
L’est de Lachine accueille une faune urbaine très diversifiée, notamment près de la rue Notre-Dame. Comment harmoniser le développement économique pour qu’il ne se fasse pas au détriment des populations défavorisées?
«C’est sûr que lorsqu’on commence à rénover, il y a des gens qui se retrouvent dans la rue parce qu’ils ne peuvent plus payer [les loyers]», reconnaît Maja Vodanovic. Or, la mairesse compte sur le Règlement pour une métropole mixte – le règlement «20-20-20», qui somme les promoteurs d’inclure 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux dans tout projet ou de payer des pénalités financières – pour préserver la mixité sociale.
En outre, la Ville a exercé son droit de préemption sur le «plus grand bâtiment de la rue», au coin de la 6e Avenue, pour y développer du logement social, précise Mme Vodanovic. Un autre projet de logement pour les personnes en situation d’itinérance, mené par la Mission Old Brewery, verra le jour en 2024.
Lachine a également baissé les taux de taxes locales pour aider les plus petits commerces face à l’inflation, souligne la mairesse.
«L’ADN de Lachine est inclusif», assure Alexandra Pagé, qui habite le quartier depuis 19 ans.
Il faut se poser la question sur ce qu’on veut en tant que ville. Le statu quo ou améliorer les choses avec une vision?
Alexandra Pagé, propriétaire de la boutique Glup et présidente de l’Association Centre-Ville Lachine
Le sentiment d’appartenance à une ville «passe beaucoup par la rue commerciale», ajoute-t-elle. «On appelle les gens par leur nom, on les accueille dans nos boutiques, c’est chaleureux.»
«Il y a sept ans, je me demandais ce que je faisais-là», se rappelle la commerçante. Elle n’avait alors parfois qu’un ou deux clients par jour. «Là, je suis là pour rester.»