Si le confinement au domicile se veut une mesure de protection contre l’épidémie de coronavirus, il pourrait s’avérer dangereux pour les femmes en situation de violence conjugale, avertit la Fondation canadienne des femmes. Une crainte partagée par des organismes montréalais.
«On voit souvent dans les crises comme des incendies, des inondations, une hausse du niveau de violences conjugales», note Anuradha Dugal, directrice principale d’initiatives communautaires et politiques à la Fondation canadienne des femmes.
Face à ces événements, «dans le cas d’une situation familiale qui est déjà violente ou susceptible à la violence, on voit plus de violence, voire une escalade».
Selon un article de la Tribune de Genève, ce phénomène a été constaté en Chine, où les mesures de quarantaine ont été drastiques. Le pays aurait enregistré une hausse des violences conjugales et des divorces.
Le confinement volontaire pourrait exacerber les violences et réduire les occasions de s’en échapper.
«Une femme pouvait dans la journée ne pas voir son conjoint. Là il peut être à la maison tout le temps. Cela pourrait aussi amener une croissance du taux de violence», note Anuradha Dugal. Ce contact prolongé avec le conjoint peut limiter les possibilités de s’enfuir, sans compter la crainte de sortir et de se voir contaminée, ou d’infecter d’autres personnes, ajoute-t-elle.
Être aux aguets
Anik Paradis, coordonnatrice du centre Info Femmes Mercier abonde dans le même sens. Pour elle le confinement avec un conjoint violent permettra à ce dernier «de prendre encore plus le contrôle».
Pour Mme Paradis, les violences conjugales «ne vont pas baisser dans cette période de crise». «Alors, il faut agir collectivement», martèle-t-elle. Elle informe que les organismes pour leur venir en aide sont toujours disponibles, même si leurs locaux sont fermés.
Le centre Info Femmes Mercier reste ainsi joignable par téléphone, courriel ou Facebook, même si ses activités de groupe sont annulées.
«Nous pouvons passer des appels sans forcément parler de violences, mais en demandant si ça va», rassure Mme Paradis.
Anuradha Dugal précise aussi que les numéros d’urgence comme SOS violence conjugale peuvent fonctionner par textos.
Le centre d’hébergement pour femmes La Maison Dalauze est aussi en mode action. Pour Danielle Mongeau, cette crise «fragilise encore plus les femmes, déjà qu’en temps normal, c’est compliqué».
Dans la maison et les appartements Dalauze, des mesures sanitaires strictes sont en place, avec une seule crainte, qu’une des résidentes soit infectée.
«Les femmes sans enfant partagent des chambres, les mères dorment au même endroit que leurs enfants ; ça ne serait pas idéal en cas de quarantaine», prévient la directrice du centre d’hébergement.
Ici, aucune place de disponible. «Nous sommes au-delà des 100% de taux d’occupation [cela est accordé par la Sécurité incendie] depuis des années», explique Danielle Mongeau.
Actuellement, le centre d’hébergement Dalauze accueille plus de 12 femmes et enfants dans la maison, et huit dans les appartements. Mme Mongeau compte entre 50 et 60% de femmes avec enfants.
Impossible donc d’accueillir plus de résidentes, manque d’espace, mais surtout d’argent : «24M$ par année pour cinq ans ont été accordés [par Québec] aux hébergements de première étape et de deuxième étape. Mais la demande de départ, rien que pour les maisons de première étape, était de 30M$», avance Danielle Mongeau.
Face à l’épidémie, Ottawa a décidé de débloquer 50M$ à destination des femmes victimes de violence. Mme Mongeau voit dans la mesure, «une bonne nouvelle», même si elle avoue n’avoir eu aucune information pour l’instant.
Si vous êtes victime de violences conjugales, appelez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.