Le retour sur les bancs d’école dans le but d’intégrer le marché du travail québécois peut s’avérer un cauchemar pour de nombreuses femmes immigrantes. La Colombienne Lesly Moreno se réjouit donc particulièrement d’avoir déniché la formation qui lui permet aujourd’hui de s’épanouir en travaillant comme préposée à l’entretien ménager de l’Hôpital Sainte-Justine, dans un milieu encadré et sécuritaire.
Arrivée au Québec à l’été 2021, parrainée par son mari, Mme Moreno souhaitait pouvoir commencer à travailler le plus rapidement possible pour subvenir aux besoins de ses quatre enfants issus de son premier mariage, restés en Colombie. Toutefois, ne parlant pas le français, ses options se limitaient notamment à des emplois avec des conditions de travail précaires.
«On m’a offert de commencer à travailler rapidement dans une usine d’emballage de viande, où il fallait travailler dans des basses températures et au salaire minimum, loin de Montréal», raconte Mme Moreno, qui a refusé cet emploi et a décidé d’entreprendre sa francisation au cégep Marie-Victorin, motivée à se forger un meilleur avenir dans l’espoir de pouvoir amener ses enfants au Canada, un jour.
«J’ai gagné une grande confiance en moi lorsque j’ai réussi à communiquer avec le médecin, à commander un médicament à la pharmacie et à effectuer des transactions à la banque en français», raconte-t-elle avec fierté.
Pendant ce temps, la mère de 49 ans est tombée sur une annonce en ligne de la formation qui a changé le cours de sa vie au Québec. «Ç’a attiré mon attention parce qu’on parlait d’une formation courte, rémunérée par Emploi-Québec et destinée aux femmes immigrantes sans formation professionnelle reconnue au Canada.»
Au-delà de la technique
La formation d’une durée de 13 semaines dénichée par Mme Moreno est offerte depuis deux ans par l’entreprise montréalaise Propret, en partenariat avec le Centre d’éducation aux adultes Champlain. Financée par Services Québec, elle mène au Certificat de formation semi-spécialisé du ministère de l’Éducation, à titre de Préposée à l’entretien ménager d’édifices publics.
Le programme offre aux participantes un apprentissage théorique et pratique des techniques d’entretien ménager, tout en leur permettant d’acquérir également des bases de français, d’anglais, de mathématiques, de fiscalité et d’informatique. Les participantes bénéficient aussi d’un accompagnement psychologique dans le cadre de la formation.
En participant également à des simulations d’entrevue, les femmes sont outillées pour la recherche d’emploi. Près de 50 femmes immigrantes ont pu bénéficier de cette formation depuis son implantation.
C’est très important de compter avec une formation qui nous permette de gagner notre vie sans dépendre de personne.
Lesly Moreno, préposée à l’entretien ménager de l’Hôpital Saint-Justine
«Ce n’est pas seulement un apprentissage théorique et pratique du métier, c’est une intégration totale à plusieurs niveaux», soutient Mme Moreno, qui apprécie notamment la sécurité d’emploi que lui procure le fait d’exercer un métier spécialisé.
Autonomie et inclusion
«Ce programme vise l’émancipation des femmes immigrantes participantes en leur redonnant l’estime de soi et la liberté de choisir par elles-mêmes», soutient Pascale Corriveau, coordonnatrice à l’insertion chez Propret, entreprise d’insertion et d’économie sociale située dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie et fondée il y a 35 ans.
Il y a des femmes qui arrivent ici sans scolarité et au bout de la formation, elles en ressortent transformées.
Pascale Corriveau, coordonnatrice à l’insertion chez Propret
L’entreprise a pour mission de lutter contre la pauvreté et de travailler à l’inclusion en créant et en donnant accès à des emplois de qualité et durables. Elle offre également un deuxième volet de formation destiné aux hommes et aux femmes sans emploi, à travers un parcours d’insertion en emploi rémunéré d’une durée de 910 heures, à compléter en 6 mois.
Entraide et valorisation
Linda Gallot, agente de projet chez Propret, est consciente que la formation dans un nouvel environnement peut être une source importante d’anxiété pour les femmes immigrantes. «On rassure les participantes dès le départ pour qu’elles puissent se sentir en famille dès les premières semaines», dit Mme Gallot, qui tient avec son équipe à susciter l’entraide entre participantes, afin d’accroître leur niveau de confiance et leur estime de soi.
Nous avons des femmes immigrantes qui n’ont jamais travaillé dans leur pays et qui souhaitent le faire ici. La formation leur permet de se faire une place sur le marché du travail.
Linda Gallot, agente de projet chez Propret
Pascale Corriveau revient sur l’importance d’offrir un milieu accueillant et libre de stress à ces femmes afin d’encourager leur épanouissement. «Il n’y a rien de mieux pour leur intégration que d’être aidées par une autre immigrante qui est ici depuis plusieurs années», dit Mme Corriveau, soulignant l’importance du transfert de valeurs qui se fait entre participantes pendant les mois de formation.
«Les femmes qui ne sont pas scolarisées ont peur d’être considérées [sans valeur], mais chez nous, on tient à leur mettre en confiance et à [mettre de l’avant] leur bagage de compétences et de connaissances, pour leur faire découvrir la valeur que parfois elles ne savent pas qu’elles ont», conclut Mme Corriveau.
Vous pouvez entendre le témoignages d’autres femmes qui ont suivi cette formation en cliquant ici.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.