Une jeune Russe adepte des armes a comparu mercredi devant un tribunal de Washington, soupçonnée d’avoir tenté d’infiltrer l’appareil politique américain au profit de la Russie grâce à la NRA, le principal lobby pro-armes des États-Unis, un nouvel épisode des tensions entre les deux pays.
Maria Boutina, 29 ans, est accusée d’avoir agi en tant qu’ »agente non déclarée d’un gouvernement étranger” et de “complot” pour infiltrer des organisations américaines et “promouvoir les intérêts de la Fédération de Russie”, selon l’accusation qui cite une “organisation militant pour le droit au port d’arme” en référence à la National Rifle Association (NRA), grand lobby largement favorable au parti républicain.
L’accusée, qui plaide non coupable, a comparu pendant deux heures, sans dire un mot. La jeune femme, aux cheveux long roux détachés sur sa combinaison orange de détenue, a semblé faire une moue de surprise à son entrée dans la salle d’audience remplie de journalistes.
Elle encourt au moins dix ans de prison selon l’accusation.
La jeune femme, originaire de Sibérie, s’est fait connaître du lobby conservateur américain en militant pour une organisation pro-armes russe, le “Droit aux armes”. Mais les enquêteurs s’intéressent à ses multiples contacts depuis 2014 avec des responsables de la NRA.
Des contacts qu’elle ne cachait pas. Des photos la montrent avec plusieurs dirigeants du lobby et des responsables politiques républicains. En 2015, lors d’une réunion politique de Donald Trump, elle avait interrogé le milliardaire républicain sur sa position envers Moscou.
Maria Boutina aurait obéi aux ordres d’un homme présenté par l’accusation comme un “haut responsable du gouvernement russe” pour qui elle travaillait, et identifié par la presse américaine comme Alexandre Torchine, le vice-président de la Banque centrale de Russie.
Réputé proche du président Poutine, il est sous le coup de sanctions américaines depuis avril.
“Membre à vie” de la NRA, selon les médias, il aurait facilité les contacts avec le lobby.
Maria Boutina était surveillée par le FBI depuis son arrivée à Washington en août 2016 avec un visa étudiant.
Elle aurait profité de ce statut pour développer des contacts avec des responsables conservateurs et créer des “canaux officieux” de communication, comme des dîners “d’amitié et de dialogue”, et ainsi favoriser un réchauffement des relations très tendues à l’époque entre Washington et Moscou.
Pour parvenir à ses fins, elle aurait entamé une relation amoureuse avec un ressortissant américain, identifié par les médias comme le consultant du parti républicain Paul Erickson. Mais les enquêteurs doutent de la sincérité de cette relation.
“Nous ne contestons pas le fait qu’elle a étudié à l’Université américaine mais nous pensons qu’elle était impliquée dans une campagne d’influence sous couverture”, a assuré le procureur-adjoint, Erik Kenerson.
Il a évoqué la multiple correspondance avec son mentor et son amant, un dîner avec un homme identifié comme un agent du renseignement basé à l’ambassade russe et sa rencontre avec l’ancien ambassadeur russe Sergueï Kisliak.
“Ce n’est pas une affaire d’espionnage”, a affirmé son avocat, Robert Driscoll, expliquant que sa cliente “était célèbre en Russie avant d’arriver aux États-Unis. C’est comme cela qu’elle a développé des relations avec la NRA”.
Mme Boutina s’est également expliquée sur ses liens avec la Russie devant la commission sénatoriale du renseignement en avril, a-t-il ajouté.
Sa demande de libération sous caution a finalement été rejetée, la juge estimant que les risques qu’elle se réfugie dans une enceinte diplomatique russe pour échapper aux poursuites étaient trop importants.
L’annonce lundi de son inculpation était intervenue juste après le sommet entre les présidents américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine à Helsinki, où M. Trump avait semblé exonérer son homologue des accusations de la justice américaine sur l’ingérence de Moscou dans la présidentielle de 2016. Il est depuis revenu sur ses déclarations.
Moscou a dénoncé mercredi un enchaînement calculé qui montre “l’objectif clair de minimiser l’effet positif” du sommet.
L’administration Trump peste depuis plus d’un an contre l’enquête sur l’ingérence russe menée par le procureur spécial Robert Mueller. Celui-ci tente également d’établir s’il y a eu collusion entre l’équipe de campagne de M. Trump et des responsables russes pour favoriser la victoire du candidat républicain, jugé plus favorable au Kremlin qu’Hillary Clinton.
Aucune preuve de collusion n’a été révélée et Donald Trump dénonce régulièrement une “chasse aux sorcières” menée par le FBI et les démocrates.
Pendant la campagne, M. Torchine avait rencontré Donald Trump Jr., le fils aîné de M. Trump, et M. Kisliak avait parlé à plusieurs conseillers du candidat.