La désormais célèbre «surprise d’octobre» est associée à un événement fortuit, souvent international, qui vient bousculer la campagne présidentielle américaine. Bien que l’expression ait été galvaudée, force est d’avouer que chaque micro-événement à quelques semaines des élections se mute aussitôt en monstre médiatique. Imaginez alors un méga-événement.
Que ce soit l’échec de Jimmy Carter dans le dossier des otages de Téhéran, en 1980, la suspension des combats au Nord-Vietnam, annoncée par Richard Nixon en 1972, ou encore la paranoïa sécuritaire de George W. Bush en 2004 à la suite d’une apparition télévisée d’Oussama Ben Laden, ces revirements ont indubitablement ému les électeurs et changé la donne dans les urnes.
À la liste substantielle des «surprises d’octobre», il faudra peut-être ajouter un phénomène naturel, encore plus imprévisible celui-là, nommé Sandy et surnommé par les médias américains «Frankenstorm».
Sandy, qui a déjà fait plus de soixante morts – principalement en Haïti, se greffera à une tempête hivernale précoce et menace désormais 60 millions d’Américains. L’état d’urgence a été déclaré dans plusieurs États, dont le Connecticut, la Caroline du Nord, le New Jersey et New York. La Grosse Pomme a d’ailleurs annoncé qu’elle annulait tous ses services de transport en commun à partir de dimanche soir.
Si le président en fonction n’a aucune emprise sur la nature du cocktail météorologique, sa gestion prendra inévitablement une tournure partisane à un peu plus d’une semaine des élections américaines. Pas besoin de remonter très loin dans l’histoire pour observer les conséquences politiques d’un phénomène météorologique. En août 2005, la tempête Katrina avait dévasté La Nouvelle-Orléans, mais aussi la cote de popularité de George W. Bush.
Le laxisme de l’administration républicaine, le lourd bilan financier et humain de l’ouragan et la hausse conséquente du prix de l’essence avaient suscité colère et dévastation bien au-delà des frontières de la Louisiane. Seulement 40% des Américains avaient une opinion favorable du président une semaine après la catastrophe meurtrière, tandis que plus du deux tiers en déploraient la mauvaise gestion.
Barack Obama ne peut pas se permettre un tel glissement de popularité à l’approche du scrutin, alors que la lutte avec son rival Mitt Romney s’annonce extrêmement serrée.
Voilà sans doute ce qui explique l’ubiquité médiatique du président sortant au cours des derniers jours, qui semble garder en tête ces objectifs : rassurer les Américains sur les dispositifs d’urgence mis en œuvre, balayer toute apparence de distanciation par rapport à la catastrophe et informer la population quant aux développements de «Frankenstorm». Ces préoccupations seront évacuées avec le dernier coup de vent.
Barack Obama et son équipe en sont fort conscients : ils devront d’abord remporter la bataille de l’opinion publique contre la méga-tempête s’ils souhaitent ensuite avoir raison de Mitt Romney lors de l’élection du 6 novembre prochain.